L’intelligence artificielle, révolution industrielle à part entière, se verra dans nos usages les plus quotidiens en 2024. Dans ce nouveau monde, nous serions bien inspirés d’apprendre du précédent et de faire bien «du premier coup» en pratiquant une «écologie de la donnée».
Bonne année, chers lecteurs, mes vœux les plus humains. Rien de numérique ou d’innovant, tout au contraire, un besoin de se souhaiter du bien, de reconnaître qu’il existe des cycles naturels et d’admettre le besoin de les partager. Se soumettre à sa condition humaine en somme. Et cet aveu libère parce que le jeu des vœux a perdu en évidence : il n’y a plus de saison, moins de paix et toujours plus d’incertitudes. En 2024, vous l’avez entendu à peine moins que « bonne année » depuis le 1er janvier, plus de la moitié de la planète sera amenée à voter. C’est une première et un sacré symbole alors que nous n’avons jamais été aussi nombreux sur Terre et que nous sommes confrontés à « l’alliance de la rage et de l’algorithme » pour reprendre la formule tranchante de Giuliano da Empoli dans son ouvrage Les Ingénieurs du chaos.
Attention, aucun pessimisme ici. Tout au contraire, une folle envie de faire équipe et j’ai un plan. Je vous propose tout d’abord d’identifier quelques certitudes comme des aspérités auxquelles s’accrocher dans l’ascension au travers des nuages de 2024, puis un plan d’action clair et enfin, de creuser ensemble une question qui mérite d’en avoir nos cœurs nets. D’ailleurs, le jeune Willis Gibson doit nous donner espoir contre la fatalité des briques qui nous tombent dessus à rythme de plus en plus soutenu, confiance dans notre capacité à les organiser et faire face à la supériorité de la machine. Le jeune collégien de l’Oklahoma de 13 ans est le premier à avoir fini Tetris. Un beau symbole pour commencer 2024.
La semaine dernière, une annonce fracassante a parachevé un événement majeur de 2023 : l’avènement de l’intelligence artificielle comme révolution industrielle à part entière, la première révolution industrielle digital native, ce qui la rend impossible à prédire dans sa soudaineté et dans ses limites. Alors que la première révolution numérique avait été marquée par deux symboles, deux touches, qui lui préexistaient, @ et #, Microsoft a, pour la première fois depuis 30 ans, annoncé ajouter une nouvelle touche dédiée à l’intelligence artificielle à ses claviers. L’IA générative était une révélation en 2023, elle se verra dans nos vies et nos usages les plus quotidiens en 2024, c’est une certitude rare en ce début d’année.
Alors que faire ? Se former, apprendre. Éperdument, comme si notre condition d’humain en dépendait. Dans ce nouveau monde qui intégrera la puissance magique à portée de chaque clavier, il semble vain de gloser sur la peur légitime qu’elle suscite. Notre fascination doit se concentrer sur sa maîtrise et l’identification de ses limites. Comprendre aussi que si l’environnement risque avec les événements de ces derniers mois de perdre son statut d’évidence et de priorité collective, nous serions bien inspirés dans ce nouveau monde que nous découvrons à peine d’apprendre du précédent et de faire bien «du premier coup». Nous devons en effet tous pratiquer une écologie de la donnée, dans sa production, son exploitation, son recyclage. Apprendre pour maîtriser et refuser l’asservissement mais aussi permettre le développement d’autres modèles que ceux très centralisés, généralistes et propriétaires qui ont été les premiers à émerger et convaincre. Imaginez que ChatGPT est une énorme locomotive à vapeur qui fonctionne au charbon là où, si nous sommes clairvoyants, nous aurons besoin de fiers vélos électriques, rêvons-le, de fabrication européenne. Et cette bataille du rail numérique, de la donnée donc, se fera par la réglementation et nos usages. RGPD et DMA en Europe doivent nous permettre une relative confiance en nos capacités. Mais au-delà, ce sera grâce à la réflexion et à l’apprentissage que nous établirons une écologie de la donnée dans nos usages, des plus quotidiens aux plus stratégiques.
L'IA au secours de la productivité?
Si nous devons garder un débat ouvert plutôt que de nous laisser dominer par la peur ou par la date précise de l’avènement d’une intelligence artificielle générale qui nous dépasserait sans retour possible, choisissons celui de la productivité. La question m’obsède comme aucune depuis que le covid et son confinement m’avaient donné l’idée de vendre La Joconde. L’économiste américain du MIT Robert Solow avait eu le génie d’exprimer ce paradoxe dès 1987: « les ordinateurs sont partout, sauf dans les statistiques de productivité ». Il ne vous aura pas échappé que notre PIB stagne après avoir reculé nettement en 2020 alors qu’au même moment le chômage a nettement diminué. Malgré la révolution numérique et cette « méta-révolution industrielle », digital native, de l’intelligence artificielle, nous serions moins productifs. Le problème est grave. Ou bien nous regardons les mauvais indicateurs, c’est probable, ou alors nous ne bénéficions pas de la pleine mesure de ces outils, c’est possible et surtout seulement le début. Troisième possibilité, le travail est à reconsidérer entièrement.
J’ai fini 2023 et commencé 2024 plutôt esseulé dans de grands et beaux bureaux que nous avions conçus chez EY Fabernovel en 2019 en pensant à ce que devait devenir le « future of work », l’occasion de bien réfléchir à ce qui est advenu… ou pas et comment le partager largement. Le futur est déjà là… et en 2024, il nous surprendra encore.