SUPPLÉMENT RÉGIONS

Avec la chute de la natalité et l’attirance qu’exercent les grandes métropoles, nombre de régions voient déjà leur population diminuer. Pour inverser le mouvement, elles ont échafaudé des stratégies variées, mais toutes font jouer un rôle clé à la communication.

Il n’avait jamais vu ça. Arrivé en 2020 au CNER, Mathieu Dejouy est aujourd’hui le délégué général de cette fédération qui regroupe 80 des 124 agences d’attractivité et de développement de France. Durant l’été, il a lancé un club dédié à l’attractivité territoriale. « Dès le lancement, nous avons eu 67 participants, se souvient-il. C’est la première fois que je vois un tel démarrage. » De fait, les régions bougent. En particulier celles qui n’occupent pas une place de choix dans l’imaginaire collectif, comme le Grand Est. « Nous avons encore l’image d’une région assez éloignée, frontalière, industrielle mais pas forcément dans le bon sens du terme, une région qui n’a ni la mer ni le soleil. Ce qui est inexact puisque c’est l’une des régions les plus ensoleillées de France avec le réchauffement climatique », résume Valérie Debord, première vice-présidente du conseil régional.

La Normandie se trouve dans une situation presque diamétralement opposée : elle est connue et appréciée mais… elle n’attire pas les jeunes actifs dont elle a besoin. « Il y a un écart entre le dynamisme économique de la Normandie et son image », constate Michael Dodds, directeur général de Normandie Attractivité.

Vidéos, réseaux sociaux et accueil

Comment faire ? Alors que le Grand Est a décidé de miser sur la « fierté » et la Normandie sur les carrières que proposent ses industries, la Bourgogne-Franche-Comté veut offrir la liberté de « vivre la vie de son choix même sans disposer d’un salaire élevé ». Autant de leitmotivs qui se traduisent par des dispositifs de communication spécifiques.

Les régions mobilisent les entreprises locales et les habitants pour créer des messages et les diffuser sur les réseaux sociaux. Dans le Grand Est, une centaine d’habitants « ambassadeurs » témoigneront ainsi de leur fierté devant des lieux emblématiques. « Ces vidéos inspirantes, émotionnellement fortes avec, entre autres, de jeunes ambassadeurs, vont permettre d’attirer d’autres jeunes », explique Valérie Debord. Une deuxième campagne mettra en valeur dans une vidéo décalée et humoristique les atouts de la région et une troisième portera sur les marchés et les fêtes de Noël.

La Normandie a lancé, en mars dernier, une vidéo qui repositionne la région comme un haut lieu de l’économie décarbonée, grâce à sa situation privilégiée dans la production d’énergie. Elle souhaite aussi donner la parole aux chefs d’entreprise et aux « néo-Normands ». « Ils vont expliquer qu’ils ont fait le bon choix en s’installant en Normandie », souligne Michael Dodds. Des arguments qui seront aussi valorisés sur un site vitrine (Choisirlanormandie.fr) et une plateforme dédiée au recrutement (Emploi.normandie.fr). Des villes volontaires ont en outre mis en place des services d’accompagnement et d’accueil des nouveaux arrivants.

Jeunes diplômés, restez !

Pour assurer son développement économique, la Normandie veut convaincre les jeunes diplômés de rester dans la région. Pour atteindre cet objectif, l’agence Webedia a élaboré une campagne pour renforcer l’impact d’un salon de fin d’année réunissant étudiants et entreprises sur un campus. Un créateur de contenus « qui a plusieurs millions d’abonnés sur les réseaux sociaux dont Tiktok » rencontrera des acteurs économiques normands et ce contenu sera diffusé sur ses réseaux sociaux et lors de l’événement. « Ce sera un “Vis ma vie”, dans un format d’une minute trente à deux minutes où on sera totalement plongé dans l’univers et la journée type d’un professionnel en Normandie, explique Marie Bachelin, directrice commerciale de Webedia Travel. Lors de l’événement, le créateur participera à un échange autour de son contenu. » L’objectif est double : démontrer l’attractivité de la Normandie auprès d’une cible jeune et inciter une partie de la communauté du créateur à se rendre sur l’événement.

De son côté, la Bourgogne-Franche-Comté a opté pour une approche différente. « Nous cherchons à attirer tous les publics, depuis les quadragénaires actifs avec deux enfants jusqu’aux retraités qui veulent se rapprocher des leurs, explique Patrick Ayache, vice-président du conseil régional en charge de l’attractivité. L’idée, c’est vraiment d’avoir de nouvelles familles, quelles qu’elles soient. »

2 000 familles

Orchestré par l’agence Laou, le dispositif prévoit quatre vagues de communication sur un an sur les réseaux sociaux LinkedIn, Facebook, Instagram et TikTok. « Ces campagnes de promotion du territoire mettent l’accent sur la qualité de vie et les opportunités économiques, explique Aurore Thibaud, dirigeante de l’agence en charge du dispositif. Nous allons communiquer auprès des urbains des grandes métropoles notamment d’Île-de-France mais aussi de toutes les métropoles de l’Est, du Nord et du Sud. »

Objectif : inciter les candidats à s’inscrire sur un site dédié (Venez-vivre-en-bourgogne-franche-comte.fr) et prendre rendez-vous au téléphone. « Il y en a peut-être 15 % à 20 % qui vont le faire pour nous parler de leur projet, explique Aurore Thibaud. Les équipes de Laou vont leur apporter un premier niveau de conseil et déterminer avec ces personnes un, deux ou au maximum trois territoires qui peuvent les intéresser. Ensuite elles sont orientées vers les chargés d’accueil qui sont sur place. » En 2026, la région espère que 2 000 nouvelles familles seront installées sur son territoire. Avant même le début des campagnes de promotion sur les réseaux sociaux, le site avait déjà engrangé 1 000 inscrits, preuve que les Français ont envie de bouger. Reste à savoir quelles régions sauront les attirer.

« Nulle part ailleurs »

Marie Bougeois, directrice du pôle marketing territorial de l’agence Bastille, liste les pièges à éviter dans une stratégie d’attractivité.

« Le premier écueil majeur, c’est la mauvaise compréhension de ce qu’est le marketing territorial et sa réduction à de la communication alors que c’est une opération de communication adossée à une démarche d’offres et de services. Une campagne de 4x3 a de l’intérêt si elle est adossée à un dispositif en aval, c’est-à-dire un parcours qui va accompagner de A à Z les publics cibles, et à une offre réelle sur le territoire. Un autre écueil est de “partir tout seul”. Il faut réunir les acteurs locaux et travailler main dans la main avec les entreprises pour impulser une dynamique commune. Il faut créer un mouvement collectif, l’installer, puis l’animer.
Un dispositif d’attractivité doit miser sur l’imaginaire d’une région mais aussi sur les attaches, l’histoire, les souvenirs de vacances qui constituent autant de liens avec un territoire. Chaque région doit valoriser ses propres atouts. Par exemple, pour le Pas-de-Calais, il peut être question, comme pour d’autres territoires d’ailleurs, du cadre de vie, du sport, de la culture. Le Pas-de-Calais est une région avec un ancrage historique et des paysages particuliers comme les terrils. Ces paysages peuvent être le support d’activités sportives spécifiques. C’est ce qu’il faut montrer. Tout le monde recherche une meilleure qualité de vie, mais chaque territoire va l’exprimer et le vivre au quotidien d’une manière spécifique. Les territoires doivent capitaliser sur leur identité et surtout le mode de vie qui leur est spécifique, c’est-à-dire un rapport à l’environnement et un rapport aux autres qui ne se retrouvent nulle part ailleurs. »

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