Tribune
Plutôt que de se plaindre, les communicants doivent prendre leurs responsabilités pour lutter contre la défiance des publics à l'égard de leurs leaders. Cela devra passer par la transparence et l’authenticité.

Le 13 avril, le président de la République, devant près de 35 millions de Français, a admis qu’il y avait eu «trop de lenteur, de procédures inutiles, des faiblesses aussi de notre logistique» et que «nous en tirerons toutes les conséquences, en temps voulu, quand il s’agira de nous réorganiser». Cela n’a l’air de rien mais c’est un changement majeur de paradigme dans la manière de gouverner, de diriger.

Les leaders ont trop souvent eu tendance à justifier à tout prix leurs actions sans jamais admettre l’erreur. «Surtout, ne jamais s’excuser. Ne jamais admettre que l’on s’est trompé, ça serait un acte de faiblesse.» C’est le syndrome de la plaque de verglas. On appelle tous son assureur pour dire que si on a glissé, c’est à cause du verglas. Très peu sont ceux qui reconnaissent que si on a glissé, c’est qu’on a négligé un paramètre, là où d’autres sont passés sans glisser.

Oui, bien sûr, nous avons besoin d’un leadership éclairé, objectivé, fédérateur, mais aussi et surtout d’un leadership lucide. Personne aujourd’hui n’est certain de prendre les bonnes décisions. Surtout quand l’incertitude est telle. En matière de leadership, les certitudes sont souvent le signe d’égo mal placé. Nous devons absolument en finir avec la figure de l’homme providentiel qui a réponse à tout. Admettre que l’on ne sait pas tout, que l’on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait, partager les hypothèses et l’analyse qui ont prévalu à la décision est aussi important que la décision elle-même. C’est la seule manière d’engager. Être dans une posture de leadership éclairé, c’est faire confiance à l’intelligence des gens.

De la nécessaire transparence en temps de crise au droit d’inventaire

La défiance exacerbée des publics à l’égard de leurs leaders est toute légitime. Trop d’affaires, trop peu d’exemplarité, de comportements indignes ont donné raison aux sceptiques, aux commentateurs. Mais notre secteur, celui de la communication, a une place et une responsabilité toute particulière dans cette défiance généralisée. Trop de mensonges, de stratégies d’évitements, d’éléments de langages plaqués, de vérités inavouées ont conduit les employés, les citoyens, les consommateurs à devenir plus méfiants. Les collaborateurs ne croient pas la communication interne de leur entreprise parce qu’elle n’est juste pas crédible et objective. Les journalistes cherchent les failles pour faire éclater les vérités, chacun étant dans son rôle de préserver sa vérité.

Mais ces principes appartiennent à un monde qui n’est plus celui dans lequel on vit. Il est temps que les conseils, spin doctors, conseillers et coachs en tout genre, fassent leur mue pour pousser des postures managériales et leur incarnation qui soient en phase avec notre temps : un leadership qui sait s’adapter rapidement, qui n’hésite pas à se remettre en question, qui accepte de ne pas tout savoir, qui sait partager ses doutes.

Durant une phase de crise, plus que jamais, la seule manière de lutter contre la défiance, c’est la transparence de fait et l’authenticité. Les leaders doivent assumer leur responsabilité et donc leur parole, en tout objectivité. Et quand le discours ne suffit plus, ce sont les actes qui doivent convaincre. L’empathie est un levier puissant de la confiance accordée. Trop de leaders se rangent derrière des argumentations fleuves et rationnels. Or ce sont les émotions qui guident nos comportements et la confiance donnée. Enfin, la proximité, avec les employés d’abord mais aussi les clients, fait partie de ces seuls remèdes pour traverser la tempête. Car oui, après la crise, ce sera l’heure du bilan, du droit d’inventaire. Et celui-ci sera dur. Les comportements des leaders durant la crise, les décisions prises seront jugées à l’aune du set valeur de chacun. C’est pourquoi nous devons agir en responsable et non pas de manière opportuniste.

Le leadership, un pari audacieux

Le futur a toujours été un pari. Et il y a plein de manière de l’imaginer, de le penser, de le créer. C’est pour cela que la démarche stratégique est avant tout une volonté, un pari sur l’avenir. Des décisions objectivées, oui. Rationnelles ? Oui, mais pas que… Comme dans tout pari, il y a une conviction, une intuition qui guide le dirigeant. Celui qui prédit l’avenir dans cette période est futurologue, un gourou, un prédicateur, ou un idiot. Nous devons faire preuve d’humilité dans ce contexte inédit.

La force des leaders, d’autant plus dans cette période, c’est l’art d’intéresser, de fédérer et d’engager autour de ce pari commun, d’un projet. Comme tout pari, il comporte une part de risque plus ou moins grande, et une part de gain possible plus ou moins élevée.

Personne ne sait de quoi l’avenir sera fait. Mais nous avons tous une petite idée de ce que nous aimons faire et avec qui nous voulons le faire. C’est cela le rôle d’un leader : donner du sens, visualiser la trajectoire, construire des hypothèses, prendre des options, décider et en assumer pleinement la responsabilité. Tout reste à faire.

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