Entre les manifestations des Gilets jaunes et la Coupe du monde de football, pour ne citer qu’elles, la saison 2018-2019 a été riche en événements. Avec quelles incidences pour la filière ?
Olivier Roux. 2018 aura clairement été une bonne année pour notre filière. On a vu la France confirmer sa position parmi les destinations leaders sur la scène internationale, le secteur a de nouveau connu une croissance importante (+ 4,7 %) et le niveau d’investissement dans les infrastructures a atteint un véritable record (450 millions d’euros). La volonté de l’État de développer des filières d’excellence (sport, tourisme d’affaires…) traduit la prise de conscience des pouvoirs publics du poids de la filière. Sur 2019, la tendance semble se poursuivre, preuve que notre secteur est résilient. Même dans une économie chahutée, le monde de l’événement se porte bien, car il y a toujours besoin de se rencontrer. Quelques manifestations – plutôt grand public et programmées les week-ends – ont été impactées par une diminution du nombre de visiteurs, mais rares sont celles qui ont été annulées. Quelle que soit la typologie d’événement – corporate ou grand public –, aucun secteur n’est sinistré.
L’office du tourisme et des congrès de Paris s’est récemment félicité des bons chiffres en matière de congrès, qualifiant 2018 d’année record. Qu’en est-il de ceux qui sont prévus dans trois ou cinq ans, mais dont la commercialisation s’est faite durant l’année ?
Il faut admettre que les mouvements sociaux organisés dans le pays n’ont pas facilité la commercialisation ces derniers mois et pour quelque temps encore. Mais pour l’heure, Paris a effectivement repris sa place de leader sur ce marché dans le classement ICCA. La capitale a notamment capté 58 premières éditions de congrès et n’a jamais reçu autant de congrès internationaux. Précisons que six autres villes françaises figurent dans le Top 150 des villes mondiales de congrès : Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nice et Nantes. Une dynamique s’est créée depuis deux ou trois ans avec la mise en place d’une politique de reconquête des grands congrès mondiaux menée avec les pouvoirs publics et l’office du tourisme. Des investissements ont été engagés et nous disposons aujourd’hui d’infrastructures performantes et adaptées dans tout le pays. Mais pour gagner en Europe et à l’international, cela ne suffit plus ! Toute la chaîne doit être en place, de l’arrivée du congressiste à l’aéroport à son départ. Il faut une forme de maturité pour accueillir les grands événements, il ne faut pas de maillon faible.
Les salons ont enregistré ces dernières années une baisse du nombre de visiteurs. Elle était de 3,9 % en 2018. Comment interprétez-vous ce signal ?
Cette baisse concerne essentiellement les salons professionnels, et peu ou pas les salons grand public. Surtout, elle traduit plus un changement de modèle et de fonction qu’une perte d’intérêt pour ce format. Avant, le salon était un lieu où l’on venait voir et éventuellement acheter la proposition d’un exposant. Aujourd’hui, le salon est un média qui propose aux visiteurs des contenus nombreux autour d’un univers. On n’y vient plus seulement pour acheter, mais pour s’informer, prendre le pouls de sa profession et contribuer à l’évolution de la filière en devenant acteur de l’événement. Pour des raisons budgétaires, les entreprises ont parfois limité le nombre de collaborateurs visiteurs. Lesquels doivent aujourd’hui optimiser leur déplacement et leur visite. Ils voient dans le salon un point de rencontre, un outil de veille. Pour les exposants, et plus encore pour les petites et moyennes entreprises, l’événement est l’assurance de trouver pendant deux ou trois jours une forte concentration de clients qu’ils n’auraient pas les moyens de toucher autrement.
Le fait qu’AMC Promotion s’en remette à Hopscotch pour « réinventer » le Mondial de l’automobile ne traduit-il pas le début de la fin d’un certain format d’événement ?
De nombreuses filières (aéronautique, alimentation, textile, décoration…) ont concentré la totalité de l’offre sur de grands rendez-vous qui fonctionnement bien. Sur certains, dont l’automobile, la compétition est très forte avec les Allemands (Francfort), les Chinois (Shanghai) et d’autres qui captent la clientèle… Parallèlement, la digitalisation mais aussi le développement de showrooms très qualitatifs par les constructeurs ont complètement bouleversé le schéma classique de salon « de présentation » où se découvraient des modèles en première mondiale. Le fait qu’Hopscotch accompagne le Mondial de l’auto est une bonne nouvelle : ce salon va muter, s’adapter, devenir plus ludique, interactif, et se doter d’un supplément d’âme pour séduire ses visiteurs.
Vous êtes président d’Unimev depuis le mois d’avril pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois. Qu’est-ce qui va changer ?
La gouvernance, d’abord. J’assume la présidence, mais nous avons créé un poste de président délégué, qu’occupe Pierre-Louis Roucaries [directeur général de l’office du tourisme et des congrès de Mandelieu-La Napoule], pour partager et traiter au mieux la masse de travail : lui est sur les territoires régionaux, moi sur l’économie, les relations institutionnelles, la représentativité auprès des autres instances (Syntec, Medef, etc.). Il fallait un équilibre entre les régions et Paris dans cette activité.
Du côté des chantiers, nous travaillons sur trois axes. Premièrement, la formation professionnelle, à travers LéCOLE, initiée par Lévénement, et d’autres initiatives. Deuxièmement, le sociétal, en poursuivant le travail sur l’économie circulaire et la RSE. Il faudrait que la majeure partie de nos entreprises soient certifiées ISO 20121 d’ici à cinq ans. Et troisièmement, la promotion de notre activité auprès des pouvoirs publics et des différentes instances : pour rappeler son poids sur l’économie, mais aussi sa contribution à l’image et au rayonnement de la France. Au-delà, c’est le moyen de faire connaître la valeur et le professionnalisme des acteurs de la filière au plus grand nombre. Il faut souligner l’excellence française.
En parlant d’excellence française, on entend beaucoup parler d’une « French touch » très demandée à l’international : est-ce un vœu ou une réalité ?
Nous avons en France un vrai savoir-faire en termes de créativité et de qualité du rendu. On peut même parler de filière d’excellence. Mais nous n’avons pas assez d’acteurs résolument tournés vers l’international. Il faut s’orienter vers ces marchés, parce que le nôtre est à maturité et qu’il existe une demande à laquelle nos entreprises peuvent répondre. Pour y parvenir, il faut être fort chez soi, mais aussi avoir des moyens financiers et humains. Il faut une taille critique pour supporter les charges, ce que peu de structures ont, à l’exception d’opérateurs comme GL Events, Comexposium, Viparis, Reed, les agences adossées à de grands groupes de communication et quelques autres. Le marché français étant atomisé, il va falloir se prendre la main et apprendre à chasser en meute pour être plus forts, comme le font d’ailleurs les Allemands, les Italiens, les Américains… Aider notre filière à s’exporter est un rôle qui incombe à Unimev, mais aussi aux leaders du secteur.
À l’approche des Jeux olympiques, certains acteurs se disent préoccupés par la mainmise de GL Events sur les instances du métier. Vous êtes à la présidence d’Unimev et Olivier Ginon, PDG de GL Events, est à la tête de la filière sport : que leur répondez-vous ?
Que je ne comprends pas bien leur inquiétude ! Rappelons que j’ai été désigné à l’unanimité… moins une voix : celle de Bertrand Biard [président de Lévénement]. La mise en place d’une présidence partagée et tournante avec Pierre-Louis Roucaries, qui prendra ma place en 2022, est une garantie d’honnêteté de la démarche. Tout comme le fait que d’avoir été porté à la présidence par d’autres poids lourds (Comexposium, Reed, Viparis…) et par l’ensemble des prestataires de services est une garantie pour tous les métiers d’être représentés et considérés de la même façon. On ne va pas se flageller parce que nous sommes les plus gros !
J’y vois plus d’avantages que d’inconvénients pour la filière. Les grands acteurs ont, en raison de leur statut, une voix plus forte. Ils ont donc plus de facilité à mobiliser rapidement des hauts responsables, notamment sur des sujets sensibles. Le fait d’être un leader nous oblige à l’égard du secteur. Nous disposons par exemple grâce à notre dimension internationale de benchmarks qui peuvent profiter à toute la filière. Et le fait de réaliser 50 % de notre activité en France nous amène à être attentifs à la défense de notre écosystème.
Enfin, je rappellerai que nous avons déjà suffisamment d’activités sur le marché français, et qu’en ce qui concerne les Jeux olympiques, les rôles seront attribués après un appel d’offres.