Le film publicitaire n'a pas particulièrement brillé ce semestre dans les compétitions créatives. Pas d'Ours (Canal+), pas de trois petits cochons (The Guardian) comme l'an passé. En revanche, de plus en plus de productions d'un nouveau genre, comme «The Beauty Inside», une série d'épisodes (6 x 26 minutes) de Toshiba et Intel, ou «Real Beauty Sketches», des documentaires «sociaux» signés Dove. Des nouveaux formats qui redessinent la publicité, faisant de nouveau la part belle à l'écriture de scénario mais aussi à la maîtrise des outils interactifs.
La production publicitaire s'adapte et recherche de nouveaux talents plus en phase avec ces évolutions. Côté français, de jeunes réalisateurs sont en train de s'y faire un nom. Parmi eux, le duo parisien We are from LA (WFLA), composé de Clément Durou et Pierre Dupaquier. Créatifs au sein de l'agence La Chose il y a encore à deux ans (Prix Stratégies des jeunes créatifs en 2010), ils portent désormais la casquette de réalisateurs. Ils ont signé le dernier spot Evian «Baby & Me» (BETC), qui leur a permis de décrocher le mois dernier trois Lions (deux d'argent et un de bronze) à Cannes. Signés chez Iconoclast, les WFLA ont fait leurs premières armes avec des campagnes pour Buzzman (MTV et Virgin Radio) et accèdent, cette année, à la maturité avec la grosse production pour Evian. «Ce film a été une aventure assez extraordinaire pour de jeunes réalisateurs comme nous, explique Clément Durou. L'avoir fait nous permet maintenant de “monter” sur de grosses compétitions publicitaires – certaines internationales – sur lesquelles nous n'aurions pas pu aller avant.»
«Les WFLA ont une vision qui est complètement dans leur époque. Ils ne sont pas branchés, ils sont contemporains», estime Fabrice Brovelli, vice-président de BETC, également chargé de la production TV.
A présent, les WFLA regardent à nouveau vers le clip musical, leur premier amour. «Nous aimerions beaucoup réaliser un projet interactif à l'international. Nous cherchons le bon son pour le faire», lance Pierre Dupaquier. «Ils sont issus d'une même famille, d'origine musicale, celle du label français Ed Banger [Justice, Breakbot, Mr Oizo…]. Un label qui a également nourri un mouvement graphique, avec un talent comme So Me», explique Fabrice Brovelli.
Issu du même sérail, ce réalisateur français est lui aussi en pleine ascension. Graphiste et DJ, c'est également à présent côté réalisation qu'il s'exprime. Après un film remarqué pour Adidas en mars, So Me est l'auteur d'un récent spot TV pour l'Iphone 5 d'Apple (TBWA Media Arts Lab). «Le film Apple s'est géré en direct avec So Me, sans aucune compétition», souligne Mourad Belkeddar, cofondateur et producteur associé chez Iconoclast. Les pionniers de l'écurie, comme Romain Gavras ou Yoann Lemoine, avaient déjà montré la voie à suivre pour ces nouveaux talents. Résultat, selon nos informations, la société de production sera derrière plusieurs spots de marques de luxe dès la rentrée, comme Louis Vuitton.
« L'émergence de ces talents est le fruit d'un long travail de développement réalisé en amont, souligne Julien Pasquier, producteur chez Standard (groupe Iconoclast). Le nerf de la guerre en production est bien le financement, souvent à perte, de nouveaux réalisateurs via des courts-métrages, des clips musicaux ou des programmes courts. Dans certaines sociétés de production, leur part peut atteindre jusqu'à 25% du nombre total de films produits.»
Un travail de tête chercheuse dont bénéficient les agences de publicité et les annonceurs. Devenues le seul laboratoire technique et artistique du secteur, ces PME ont toutefois besoin de conserver un volume d'affaires suffisant afin de pouvoir réinvestir leurs marges dans cette recherche et développement.
La comédie, encore et toujours
Autre secteur qui réveille les talents français: l'écriture de comédie. Dans le palmarès du dernier Grand Prix Stratégies de la publicité, des spots comme «Emma» pour Le Trèfle (Leo Burnett) ou «La Clé» pour Volkswagen (agence V) viennent rappeler que la comédie reste la meilleure ficelle du discours publicitaire. Et ce d'autant plus avec l'arrivée des nouveaux formats fictionnels. Mais, à écouter les agences, les rédacteurs et auteurs se font désormais rares chez elles comme au sein des sociétés de production.
Derrière le film Volkswagen, il y a pourtant un jeune réalisateur à suivre de très près: Rudi Rosenberg. Signé chez Les Télécréateurs et auteur également de la web-série «Les Dumas» pour Bouygues Telecom (DDB Paris), son talent souffle un air frais sur la comédie publicitaire. Depuis cette réalisation pour l'opérateur télécoms, les projets affluent auprès du jeune réalisateur issu du cinéma et «actuellement en phase d'écriture pour des projets personnels», confie l'intéressé.
Des acteurs qui jouent justes dans des productions publicitaires d'un nouveau genre, les exemples ne sont pas encore légion côté français. Pionniers dans le genre, Les Télécréateurs parient également sur un autre talent, celui de Benjamin Parent, nominé aux Césars 2013 pour son court-métrage Ce n'est pas un film de cow-boys. Ancien créatif de publicité, lui aussi issu de l'agence La Chose, il a écrit puis réalisé en 2012 la web-série «Puceaux» pour l'INPES (McCann). «Le succès de la série a eu un réel impact du côté du cinéma et de la fiction pour ma carrière», reconnaît Benjamin Parent.
Dans la même veine, l'arrivée du réalisateur Adrien Armanet (Tipp-Ex saison 2, Durex) incarne une volonté de développement dans la comédie chez Iconoclast pour les deux années à venir. A suivre.