La directrice artistique souffle un vent frais sur la mode française. Les marques Rodier et Repetto en sont déjà sorties renouvelées.

«Une marque ne peut pas vieillir avec ses clientes sinon elle meurt.» D'emblée, le ton est donné avec Emilie Luc-Duc, directrice artistique de la maison Rodier depuis 2011. En quelques collections, la créatrice a réveillé la célèbre maison dont le jersey était si cher à Coco Chanel. Pas de nostalgie rétro ni de création-hommage, la styliste âgée de trente-trois ans dessine depuis deux ans une mode contemporaine et réaliste tant au niveau des lignes que du prix, une mode technique aussi. Dans les boutiques Rodier, on croise encore des petites dames à chapeau, mais surtout de plus en plus de jeunes femmes branchées.

Et pour cette renaissance – voire révolution –, la crise économique serait presqu'un atout. «Dans ces périodes difficiles, la tentation de se concentrer uniquement sur les basiques, valeurs sûres, est forte. C'est pourtant dans ces moments-là que l'on peut oser proposer quelque chose de nouveau et conserver la magie de la mode», estime la directrice artistique.

Qu'est-ce qu'une marque de mode de 2013? Une marque qui a quelque chose à raconter. «Durant mes études d'art, on nous disait souvent: “Ne commencez pas quelque chose si vous n'avez rien à dire”», se souvient Emilie Luc-Duc. L'empreinte singulière de cette créatrice passée par Vanessa Bruno, Iro, Anne Valérie Hash et Dior pourrait être sa façon moderne d'envisager la mode, à l'inverse d'un vêtement de vitrine. «J'essaye de dessiner une mode que mes amies puissent acheter, porter et me donner ensuite des retours sur leurs impressions», explique-t-elle.

Touche-à-tout

De la créativité, de l'élégance mais aussi des lignes avec lesquelles on peut vivre au quotidien. Une féminité qui ne renie pas le confort. Avec malice, elle a d'ailleurs fait poser ses mannequins de la collection printemps-été 2013 en simples sandales en plastique. «Il est possible d'être belle et bien dans ses vêtements. Je suis une femme, donc je n'idéalise pas notre quotidien plutôt tonique», raconte la directrice artistique. Elle ajoute aussitôt: «A la différence d'un créateur homme, je n'ai pas d'image de femme fantasmée en moi.» Une conception à laquelle pourrait encore coller le slogan de 1984 – «Elles assurent en Rodier» – à travers lequel l'agence BDDP rendait déjà hommage aux «executive women».

En publicité, justement, Emilie Luc-Duc veut aussi avoir son mot à dire. Dès le départ, elle a intégré la communication de Rodier dans ses attributions. «Pour moi, l'intuition de la collection se poursuit jusque dans l'esthétique de sa présentation. Je n'ai pas envie de passer la main à ce moment-là du processus.»

Diplômée des Métiers d'art en costume, d'un Master en arts et culture, puis de l'Institut français de la mode, la créatrice semble armée pour ce monde d'images. Depuis ses débuts chez Rodier, les campagnes sont toutes shootées par le photographe suédois Linus Ricard. «J'ai eu un coup de foudre pour son talent il y a déjà plusieurs années et nous formons à présent un beau duo. Tout peut partir d'un lieu qui me plaît comme ce “skatepark” pour la campagne hiver 2012-2013.»

Touche-à-tout, la directrice artistique ne s'interdit rien, pas même de travailler pour d'autres marques. Elle a ainsi dessiné une collection-écrin Repetto pour ce printemps-été 2013. La marque qui a mis la ballerine de danse dans la rue a, en effet, lancé ce printemps sa première ligne de prêt-à-porter. L'objectif: imaginer un vestiaire de danse pour la ville. «Dans mon parcours, j'ai déjà réalisé des costumes pour la scène et pour la danse contemporaine. Cela m'intéressait, cette fois, de suivre le chemin inverse, partir de la scène vers la rue», confie Emilie Luc-Duc.

Pour Repetto, Emilie Luc-Duc a créé un tutu en taffetas technique. Un étonnant tissu à la fois précieux et technique donc, proche de la toile d'un K-Way mais très loin du tule. Cette recherche de matière est aussi un des savoir-faire de la directrice artistique. Pour Rodier, elle pousse la maille dans ses retranchements pour la travailler «en volume», ce qui ne se fait pas en temps normal. «Je n'ai pas de méthode particulière, je fonctionne beaucoup en dessinant. J'expérimente à partir d'un fil, d'une matière qui me plaît même si je ne sais jamais si cela va marcher au final. La fois suivante, du coup, on a envie d'aller encore plus loin.»

«Revenir à l'essentiel, à la main»

La jeune créatrice se met en permanence dans une situation de recherche et développement. Une quête qui l'a même menée jusqu'à une performance artistique avec un chorégraphe à Berlin. «Nous voulions aller à l'inverse du processus industriel de confection des vêtements. Nous avons donc acheté des fripes, puis nous les avons détricôtées, décousues dans le but de retrouver la matière première», se souvient Emilie Luc-Duc. En tant que créatif, nous sommes très dépendants du rythme des industries. Il faut parfois revenir à l'essentiel, à la main.»

Une veille constante qui la pousse aussi  à confectionner une série de pièces uniques en parallèle de ses collections. «C'est un travail de recherche textile personnel qui représente des heures de couture à la main. Je ne sais pas encore sur quoi cela va aboutir et j'aime ça.»

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