L'agence Bessis, spécialisée en conseil et création de noms, a publié une étude sur l'évolution des noms de voiture au cours des trente dernières années. Corinne Bessis, directrice de l'agence, analyse les principaux résultats.

Quelles sont les tendances qui ont émergé ces dernières années dans le «naming» automobile?

Corinne Bessis. Les prénoms. En 1990, le nom Clio, qui a marqué la rupture avec les noms alphanumériques, a inauguré le saut d'une culture d'ingénieur à une culture plus marketing. L'autre tendance est la nature. Avec le développement durable, ce que cherche à dire la voiture s'est complètement transformé. Prenons Leaf (Nissan), Wind (Renault) ou Airwave (Honda), tout est plus féminin, plus doux, et correspond à la voiture qui va moins vite, qui respecte la nature.

 

En quoi le nom d'un produit est-il si important?

C.B. Un mauvais nom dans un contexte concurrentiel peut être fatal. Le nom va directement à notre inconscient, il influence le consommateur et véhicule des a priori. Il encapsule toutes les valeurs, tout l'imaginaire, tous les messages qu'on va associer à l'offre. Le nom est le seul élément du «mix» qui est à la fois sonore et visuel, ce qui en fait l'élément le plus pérenne. Tout évolue: la technologie, le design, la communication, mais le nom reste. Golf de Volkswagen reste une référence, c'était à l'époque (1974) une incroyable rupture. C'est d'ailleurs le pionnier des noms «styles de vie», qui évoquent la famille, le ludisme, la tendresse ou l'évasion.

 

Est-ce qu'il y a des stratégies de «naming» par gamme et par marque?

C.B. Bien sûr. Chacun a sa stratégie. Ce qui caractérise Renault, par exemple, ce sont les prénoms (Clio, Zoé) et les noms «styles de vie» (Scénic, Twingo, Kangoo). Parmi les constructeurs japonais, Toyota a beaucoup progressé en entrant dans la culture universelle avec des noms comme Prius ou Yaris. Fiat n'utilise que des noms italiens. Seat, un moment, n'avait que des noms espagnols (Cordoba, Ibiza). La marque les a abandonnés au profit de noms plus conceptuels (Exeo). Mais il y a aussi des allers-retours, une marque peut avoir utilisé des noms descriptifs pendant cinq années avant d'utiliser des noms symboliques et créatifs. Il y a des phases, c'est cyclique.

 

Quels sont les échecs les plus retentissants?

C.B. Vel Satis, dont la production a été arrêtée en 2009, évoque le mot «versatile». Pour une voiture à 30 000 euros, c'est du haut-de-gamme peu sécurisant. Quant à la Smart Forfour, ce clin d'oeil un peu trop facile, voire simpliste, est finalement dévalorisant pour une marque qui se veut «smart». C'est comme Orange TV, la marque n'a fait qu'utiliser un descriptif sans apporter aucune valeur ajoutée.

 

Quelles sont les tendances à venir?

C.B. Si l'électrique ou l'hybride prennent de l'importance, la tendance nature va se développer, avec des noms se référençant à la douceur, la facilité, la proximité. Les noms «styles de vie» et «prénoms» pourraient se développer. Cela dit, en temps de crise, il est toujours plus difficile d'innover.

 

(Encadré)

Bessis et les autres...

Les principaux noms créées par l'agence Bessis, fondée en 1966 par Pierre Bessis: Safrane, Mégane, Scénic, Logan, Kangoo, Modus et Zoé pour Renault, ainsi que Navigo pour la RATP ou encore Dexia, Amaguiz et Pluzz.fr. Les autres acteurs du marché sont Anapage (Voila, Danoé…), Demoniak (E=M6, Bleu ciel, Doctissimo, Mappy…), Enekia (B&You, Bbox Sensation, Qooq…), Ipsos Insight Marques (Transilien, Candia, Cœur de lion, Touareg…), Kaos (Arte, Fréquence plus, TPS Star, Zapetti…), Nomen (Thales, Velib, Vinci, Yaris…), Raison d'être (Maltesse, Le Public Système, Terre solidaire, Valvert…).

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