«Si ce n'est pas de la pub, c'est quoi? "Branded content", "branded entertainment", "advertainment" ou tout simplement en français… le spectacle de marque. Et ce spectacle est partout et utilisé par tout le monde!» Ce vendredi 19 mars, le publicitaire Christophe Lambert ménage ses effets devant un parterre de 150 clients et prospects mêlés aux cadres du groupe et à la presse réunis à Courchevel par Aegis Media. Il a d'ailleurs pour l'occasion effectué l'aller-retour dans la journée.
C'est que l'homme a une grosse carte à jouer: convaincre les clients d'Aegis, groupe auquel estdésormais associée son agence Blue, cofondée avec Luc Besson. Florence Trouche, présidente d'Isobar et de Blue AM (société commune aux deux partenaires, «AM» comptant pour Aegis Media), confirme: «Le portefeuille de nos futurs clients sera constitué aux deux tiers par ceux du groupe Aegis.»
Le reste des budgets visés par Blue AM sera alimenté par le carnet d'adresses de chaque membre de l'équipe. Et nul doute que les pointures de la publicité recrutées, comme Bruno Delhomme ou Guilhem Arnal du collectif Les Six de Young & Rubicam, ou Régis Lefebvre, ancien vice-président de la Young, ne sont pas venues les mains vides.
«Marques-amies»
Trois mois après le lancement de Blue AM, l'heure est toujours à la prospection. L'équipe affirme être en pleine période de «pitchs» et de «briefs». Prudent, Bruno Delhomme ne veut pas fanfaronner: «Notre nouvelle offre suscite de l'intérêt et nous savons que nous sommes attendus au tournant.» L'équipe promet la première création… dans six mois, et avoue s'être fixé comme objectif «trois projets pour cette année».«Avec des propositions de contenus innovants, nos cycles de conception et de vente sont forcément plus longs», explique Régis Lefebvre.
D'ici là, le discours se rode. Le «spectacle de marque» dont parlait Christophe Lambert, Bruno Delhomme le définit en «histoire de marque» dans le but de fabriquer des «marques-amies». «La communication sur le produit, on la laisse à la publicité traditionnelle», tranche-t-il. Cette publicité, de plus en plus cantonnée au discours promotionnel, n'intéresse plus Blue AM.
Une vision qu'Anne-Cécile Ladegaillerie, directrice des partenariats et conception des contenus, se propose de décliner «autant en clips qu'en jeux en ligne, concerts ou même en comédie musicale». Une évidence pour cette ex-directrice générale de Buzzman qui a depuis longtemps arrêté de raisonner en fonction des supports médias.
À bien des égards, la stratégie créative de Blue AM fait écho à celle d'agences comme DDB Paris nouvelle formule (lire Stratégies n°1579). Pourtant, Blue AM ne se dit pas en concurrence avec les agences de publicité. Pas sûr, toutefois, que le marché le ressente ainsi: le passif d'Aegis avec, entre autres, l'opération Twingo 2 est encore frais dans les mémoires… chez Publicis ! «Évidemment, le territoire de la création s'est élargi, mais en s'appuyant sur le média, on est encore plus au cœur du réacteur», souligne Florence Trouche. Et il est vrai que côté agences médias, Blue AM fait pour l'instant figure d'exception.
Selon elle, les futures propositions créatives de l'agence de contenus seront tout à fait dans l'esprit de l'opération My Téléfoot montée par TF1 et Coca-Cola, orchestrée par Aegis Media. Dans la concurrence, des opérations globales récentes comme le 8 by Suchard la séduisent aussi. «C'est un très bon exemple de ce que nous voulons faire et surtout de ce que nous pouvons créer de A à Z, car nous avons désormais toutes les compétences en interne.»
Nouveaux recrutements en vue
Les premières têtes d'affiche ayant rassuré le marché, c'est maintenant vers des profils plus jeunes que Blue AM se tourne. «Nous allons recruter plusieurs créatifs, issus de la génération des "digital natives"», indique Guilhem Arnal, directeur de création (ex-Y&R). Le 5 avril, Gilles Rivollier, un jeune créatif arrivant de Young & Rubicam Sydney, rejoindra ainsi Blue AM au titre d'«art supervisor». D'autres recrutements similaires sont dans les tuyaux. «Nous cherchons des créatifs qui ne sont pas trop stéréotypés, qui ne travaillent pas en cloisonnant leur vision du contenu à un métier ou à un média», ajoute Guilhem Arnal.