Le prix est l'un des éléments clés du succès d'un produit ou d'un service. Florent Jacquet, associé du cabinet Simon Kucher & Partners, à Paris, analyse les constituants d'un juste prix.

L'Ipad sera vendu à partir de 499 dollars, soit deux fois moins que l'annonçait la rumeur. Du coup, il apparaît comme pas cher… Comment apprécier et fixer un prix ?

Florent Jacquet. Apple vise une stratégie de volume pour son Ipad, sur un marché de tablettes numériques qui n'a jamais réussi à décoller. Le décalage avec le prix attendu va dans ce sens, et lui fait une publicité gratuite sur la compétitivité de son produit d'entrée de gamme. Mais Apple se rattrape en partie sur l'option 3G qui, elle, est chère puisqu'elle coûte 130 dollars de plus que l'Ipad de base.

 

Quels sont les paramètres à prendre en compte pour fixer le prix d'un produit ou d'un service ?

F.J. Les coûts, bien sûr, mais ce n'est pas suffisant car raisonner en «coût + marge» revient à s'autolimiter sur le prix facturable. La concurrence est aussi importante : le degré d'innovation et d'unicité du produit peut aider à soutenir un prix élevé. Enfin, et c'est souvent le paramètre le moins bien approché, il y a la valeur client. C'est important car le bon prix doit surtout refléter la valeur, même subjective, qu'on accorde à ce qu'on achète : puissance, ergonomie, fiabilité, taille, simplicité, accessibilité, design, marque…

 

Et s'il s'agit d'un produit sans concurrence ou d'un nouveau produit ? Comment valoriser la prime à l'innovation ?

F.J. Sans réelle concurrence, vous êtes seul maître à bord… tant que vous n'êtes pas copié. Si en plus vous apportez une forte valeur, c'est le jackpot : vous pouvez facturer à la mesure de cette valeur apportée. Apple marque ainsi beaucoup de points en commercialisant des produits technologiques ergonomiques, fiables et accessibles à des non spécialistes, car il s'agit là de vrais axes de valeur pour les clients. Inversement, pas de «surqualité» : la firme va à l'essentiel en se gardant de trop de possibilités et d'options techniques, qui génèrent des coûts et de la complexité pour l'utilisateur.

 

Le prix est-il toujours le premier critère des consommateurs?

F.J. Pas du tout. Le consommateur est surtout à la recherche de ce qu'il juge équitable pour ce que son achat lui apporte. Pensez à votre dernière crise de nerfs car confronté à une hotline injoignable, contrepartie annoncée d'un abonnement mensuel de 14,99 euros pour votre accès Internet… Le problème, c'est qu'une avalanche de messages promotionnels déferle chaque jour sur le consommateur. A force de lui dire qu'il aura la meilleure qualité pour le plus petit prix possible, on brouille ses repères avec une surpromesse qui ne correspond finalement pas à ce qu'il veut.

 

Baisser ses prix, ou accroître les primes et autres services associés, est une tentation en temps de crise. Mais est-ce une bonne réponse ? Peut-on remonter ses prix ?

F.J. Si le gâteau a diminué parce que les clients se sont rationalisés et réorganisés pour acheter moins, baisser les prix est inadapté puisque la demande n'est plus là. Ou alors il vous faudra tellement baisser que vos marges seront anéanties. Il est donc plus pertinent de proposer des prix inférieurs, mais pour de nouveaux produits simplifiés et donc moins coûteux. Avec de tels produits, on s'adapte à la demande du client : «J'ai moins de budget et pour cela, je suis prêt à recevoir moins de valeur.» Cela évite aussi d'avoir à remonter les prix plus tard, tout comme proposer plus de volume pour le même prix.

 

Un prix trop bas ou trop élevé peut-il « tuer » un produit ?

F.J. A son lancement, Disneyland Paris a pratiqué des tarifs trop élevés, qui empêchaient le trafic de décoller. C'était une erreur stratégique car le «business model» est fondé sur le «food and merchandising» consommé une fois sur place. Le parc a réajusté rapidement ses tarifs pour être compétitif sur l'entrée, puis a rajouté des offres spéciales pour les enfants, etc. afin de drainer un maximum de trafic. Quant aux prix trop bas, ils sont très fréquents par méconnaissance de ce que les clients sont prêts à payer.

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