Presse
Le quotidien va devenir une société à but non lucratif en adoptant le statut juridique de Mediapart, celui d'un Fonds de dotation pour une presse indépendante.

Alors que le groupe Altice est en pleine réorganisation de sa branche médias (voir encadré), un communiqué conjoint de Libération et du groupe présidé par Alain Weill annonce, jeudi 14 mai, qu'Altice France a décidé de créer un fonds de dotation auquel il cèdera le quotidien, via sa filiale Presse indépendante SAS. Sont aussi concernées la régie et la société de développement technologique du quotidien.

« Face à la crise sanitaire, économique et sociale qui bouleverse de façon inédite l’équilibre de tout le secteur, Altice France souhaite apporter à Libération de nouvelles garanties concrètes pour l’indépendance et la pérennité du titre », explique un communiqué. Le groupe précise aussi qu'il dotera «substantiellement » ce fonds pour permettre à Libération de rembourser l’intégralité de ses dettes (estimées en 45 et 50 millions d'euros) et lui donner les moyens de financer son exploitation future.

Libération deviendra ainsi la propriété d’une structure non cessible et non capitaliste à but non lucratif, un « Fonds de dotation pour une presse indépendante », qui redistribuera intégralement ses profits éventuels à des fondations comme la Fondation de France pour son programme de soutien à Reporters Sans Frontières, la Fondation Hôpitaux de Paris et Hôpitaux de France et la Fondation SFR, au profit de l’accès au numérique pour des publics fragiles.

Siégeront au sein de son conseil d'administration Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération, Arthur Dreyfuss, directeur général d’Altice Média et Laurent Halimi, directeur M&A d’Altice Europe. On notera l'absence d'Alain Weill, par ailleurs propriétaire majoritaire de L'Express, aux côtés d'Altice.

Diffusion en hausse et virage numérique

Menacé de dépôt de bilan en mars 2014 avant l'arrivée de Patrick Drahi, le titre se félicite d'avoir renforcé sa rédaction depuis deux ans en recrutant plus de 15 journalistes autour de Laurent Joffrin et de Paul Quinio. Des développements technologiques ont notamment permis sa reprise sur le kiosque SFR Presse et ses abonnements numériques ont été multipliés par six en deux ans permettant une progression depuis 18 mois consécutifs de la diffusion totale. En 2019, la diffusion France payée est en hausse de 6,3%, à 71.466 exemplaires. Les versions numériques du journal représente 38% de sa diffusion. 

Sous l’impulsion de Clément Delpirou, le directeur général du quotidien sur le départ, le chiffre d’affaires s'est stabilisé, ajoute le communiqué. Il était de 34,6 millions d'euros en 2018

La gouvernance de Libération - qui compte 200 salariés - sera inchangée, autour de deux cogérants. Les droits de la rédaction, notamment de véto sur la nomination du directeur de la rédaction, perdurent. Les mécènes sont invités à abonder le fonds de dotation. « Aucun droit ne sera accordé en contrepartie de ces donations », assure le communiqué, selon lequel Patrick Drahi continuera d'accompagner le journal à titre personnel.

Patrick Drahi devance Xavier Niel

Libération est le premier journal papier en France à expérimenter ce type de structure juridique portant sa propriété. Le journal en ligne Médiapart y a eu recours en 2019 en s'inspirant du quotidien britannique The Guardian, porté par son "scott trust". Patrick Drahi prend de vitesse Xavier Niel qui avait proposé en septembre 2019 de transférer l’intégralité du capital du Monde libre (LML), la holding qui détient le groupe Le Monde, à une « fondation ». Mais son différend avec son coactionnaire Matthieu Pigasse, soutenu par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, a ajourné ce projet. 

Du côté de la rédaction, un élu ne cachait pas sa joie et sa satisfaction, jeudi après-midi, même si quelques gardes-fou doivent désormais être assurés. D'autant que la rédaction, en tant que collectivité, n'a pas été associée à ce projet survenu en pleine période de télétravail. Dans un "communiqué des salarié.e.s de Libération", les représentants du personnel saluent cette intiative mais « regrette cependant que cette décision, d'une importance fondamentale dans l'histoire et pour l'avenir de Libération, ait été annoncée de façon inattendue et non concertée ». Ils demandent des garanties juridiques, financières et sociales, tant en termes d'effectifs qu'en ce qui concerne la dotation financière à court, moyen et long terme. 

Nouvelle direction à RMC et BFM Business 

Le groupe Altice a officialisé, dans un mail interne le 13 mai, la mise en place d'une nouvelle équipe de direction pour BFM Business et RMC, jusque-là pilotés par Kim Younes-Charbit et Morgan Serrano, qui quittent le groupe. La chaîne économique est désormais rattachée directement à Marc-Olivier Fogiel, directeur général de BFMTV. Celui-ci pilotera à terme le pôle BFM, qui réunira l’ensemble des activités audiovisuelles et digitales de la marque BFM. La radio RMC passe quant à elle dans le giron de Guenaëlle Troly, directrice générale des chaînes RMC Découvertes et RMC Story, qui prend la direction du pôle RMC. Le groupe Altice indique également qu'il annoncera au début de l'été un «plan ambitieux de reconquête».

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