On a les combats qu’on peut. Ou, plutôt, les absences de combats. Le XIXe accusait, le XXIe « assume ». L'ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, convoquée le 8 septembre devant la Cour de justice de la République pour sa gestion de la crise sanitaire lorsqu’elle était en poste, dit « assumer » ses décisions. Emmanuel Macron, lui-même, est particulièrement prompt à dégainer le « J’assume », comme en avril dernier, sur son plan de réouverture du pays, rejoignant la grande cohorte des « assumeurs » - souvent issus des rangs politiques. Au début des années 90, on se défaussait en se proclamant « responsable mais pas coupable ». Aujourd’hui, on « assume » - généralement d’énormes bourdes, voire de très regrettables erreurs, voire d’inexcusables scandales… Bien commode, le « J’assume », qui brise là toute discussion, et derrière lequel on pressent, tapie, sa suite logique : « Et je vous emm… ! ». Alors que le « J’assume » assume de plus en plus nettement son rôle de « conversation killer » des années 2020, on ne peut s’empêcher de penser aux célèbres vers de René Char, devenu le poète préféré des patrons du CAC 40 et des politicards décomplexés - lesquels voient sans doute dans ces lignes une version littéraire du « J’assume » : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront ». À les voir « assumer », espérons qu’on ne s’habitue pas.