Capgemini a récemment procédé à la refonte de sa stratégie de marque. Le processus a-t-il été agile ?
Fleur du Pasquier Henry : Par moment ! L’agilité n’est pas la bonne réponse à toute situation, à tout moment. Il faut savoir écouter, réfléchir, patienter. Cette refonte s’est opérée en parallèle de la pandémie et de l’arrivée de notre nouveau CEO, Aiman Ezzat. Autant vous dire que nous avions besoin d’un temps de réflexion pour ajuster notre point de vue sur la transformation numérique dans un contexte en plein bouleversement. Nous avons lancé notre nouvelle plate-forme de marque « Get the future you want » en octobre 2020 : nous avons senti que nous étions prêts à l’incarner, et le marché et nos clients à le recevoir.
Sur quelle période cette refonte s’est-elle étendue ?
FdPH : Ce fut très long et très court en même temps. Avec du recul, nous avions consacré les années précédentes à préparer ce changement, et à mieux dialoguer entre la marque et les expertises business. Refléter les enjeux technologiques, économiques et éthiques du marché était essentiel pour résonner avec les besoins de nos clients engagés dans d’intenses projets de transformation. Grâce à cette période d’infusion, nous avons pu opérer le lancement de cette nouvelle page de l’histoire de la marque Capgemini de façon très agile. Il n’y a pas d’agilité d’exécution possible sans réflexion de fond !
Dans quelles situations, l’agilité est-elle un levier stratégique ?
FdPH : Dans des moments de crises successives, l’agilité s’impose d’elle-même. Il faut savoir agir et vite. Toutes les entreprises ont dû être agiles face au confinement et au déclenchement de la guerre en Ukraine. A contrario, dans des périodes moins chahutées ou dans le cadre de projets de transformation ou de R&D, la clef de l’agilité n’est pas tant la vitesse de réaction que la fréquence des itérations. Dans les deux cas, l’agilité fait appel à une soft skill majeure : l’empathie, avec l’environnement dans lequel on se trouve pour savoir quand accélérer, quand ralentir, quand stabiliser.
Quels sont les freins majeurs à l’agilité ?
FdPH : La peur sans aucun doute. La peur immobilise et empêche tout processus de remise en question. La confiance est au contraire essentielle : celle autour du projet interagissant avec celle entre les parties prenantes chez Capgemini et chez le client. L’enjeu avec l’agilité est d’évoluer rapidement mais il faut savoir aussi prendre du recul et rester stable de temps en temps. L’agilité c’est jongler avec ces 3 états.
Dans votre fonction, comment faites-vous pour « jongler » ?
FdPH : Travailler sur la marque c’est être en arbitrage permanent sur le look and feel, le ton, les contenus … Il faut sans cesse s’adapter au lieu, à l’audience, au contexte tout en conservant son authenticité. Un peu comme un violon à réaccorder avant de rejouer une partition connue. J’ai aussi une appétence personnelle à la remise en cause. Je me sens toujours un peu en déséquilibre, en mouvement sur le fil de la mélodie.
L’agilité, est-ce uniquement des méthodes et des process ?
FdPH : Non, cela exige - de part cette culture de l’itération et de l’optimisation permanente - des softs skills comme l’empathie, la capacité de concentration et le feedback constructif. Nous avons mené une étude en 2021 sur l’impact de la diversité des équipes dans les entreprises technologiques. Le constat est sans appel : pour innover, il faut mixer les points de vue et les talents. Dans notre monde chahuté, nous avons besoin de gardiens du temple et de disrupteurs. Sans diversité, l’agilité s’évapore.
Qu’est-ce qui doit nous alerter sur l’urgence à mettre en place des process agiles ?
FdPH : Quatre choses : l’absence de dialogue dans une équipe, la quantité de destinataires dans les emails, le fait de ne plus savoir qui fait quoi dans un projet, la disparition de la fierté d’appartenance. Un des vrais enjeux de l’agilité est le sens. Le processus d’un itération vertueuse et performante est possible si chacun se sent confiant et légitime dans sa valeur apportée. Pour être agile, chaque membre de l’équipe doit se sentir pleinement dans son rôle, libre, autorisé.e et attendu.e pour donner son avis et soutenir le projet.
Quand avez-vous ressenti l’agilité autour de vous chez Capgemini ?
FdPH : A un moment clef, celui du déclenchement de la guerre en Ukraine. Les équipes avaient anticipé et s’y étaient préparées. Dans ce moment précis, une équipe « task force » très resserrée était sur le pont pour, le plus rapidement et sereinement possible, trouver des solutions pour les collaborateurs et collaboratrices sur place.. C’est une grande fierté interne d’avoir agi si vite et efficacement pour protéger noss équipes et leur famille.