On les voit partout, et de plus en plus, depuis que les différents confinements ont remis les Français devant le petit écran. À la télévision forcément, en une de la presse télé, dans des spots de pub, et depuis peu en kiosques, en couverture de leur propre magazine. Après Michel Cymes, Sophie Davant et Stéphane Bern, c’est au tour de Stéphane Plaza de se décliner sur papier glacé, avec le lancement le 8 avril de Bienvenue chez vous by Stéphane Plaza. À la manœuvre, le groupe Prisma Media, M6 et l’agent immobilier le plus célèbre de France, pour un bimestriel mêlant immobilier, décoration et lifestyle, tiré à 200 000 exemplaires. « Stéphane Plaza tient à ne pas être une simple caution, il s’impliquera à chaque numéro et relira toutes les pages », assure Gwendoline Michaelis, directrice exécutive du pôle premium de Prisma Media.
Les Français sont friands de ce nouveau type de presse. Lancé à la rentrée 2018 par Mondadori, racheté depuis par le groupe Reworld Media, Dr Good, incarné par Michel Cymes, s’est écoulé en 2020 à près de 180 000 exemplaires en moyenne. S, Le Magazine de Sophie Davant, lancé par le groupe CMI en novembre dernier, s’est lui vendu à plus de 150 000 exemplaires pour son premier numéro, 120 000 pour le deuxième. Enfin, Mission Patrimoine, porté par Stéphane Bern et également édité par Reworld, revendique une diffusion de 40 000 exemplaires avant la sortie du troisième numéro début avril. « Aujourd’hui, les animateurs télé deviennent eux-mêmes des marques et ces nouveaux magazines en sont l’illustration, explique Manon Le Roy-Oclin, planneuse stratégique chez BETC. Cela va plus loin que l’endorsement, qui existe depuis un moment mais qui se fait de plus en plus. »
Figures rassurantes
Nintendo, Carrefour, Uber Eats, Paylib, Orange, JouéClub, Krys… Ces derniers mois, les marques ont été nombreuses à mobiliser une star de la télé pour vendre leurs produits. Pour faire connaître son nouveau jeu Animal Crossing, Nintendo Switch s’est offert les services de Denis Brogniart, le présentateur iconique de Koh Lanta. Selon Kantar, les trois versions de la campagne TV (un billboard de parrainage et deux spots) ont été diffusées 38 198 fois entre le coup d’envoi de l’opération le 2 mars 2020 et le 24 mars 2021, soit une moyenne de 99 diffusions par jour, toutes chaînes confondues. À titre de comparaison, la moyenne des campagnes sur la même période était de 1 456 diffusions, soit 3,7 diffusions par jour. Une saison 2 de la campagne Animal Crossing avec Denis Brogniart est attendue pour la mi-avril.
« Pour les marques, les animateurs télé sont des valeurs refuges. Ce sont des incarnations assez safe, avec une popularité incroyable, notamment sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, les marques cherchent de l’émergence et toujours plus de connivence et de proximité, et les animateurs télé répondent à ce besoin », estime Bertrand Nadeau, directeur général d’Omnicom Media Group. Ils coûtent aussi moins cher qu’une égérie du cinéma ou de la musique. Pour les animateurs télé les plus connus, le ticket peut tout de même dépasser les 100 000 euros. « Les animateurs télé ne sont pas utilisés de la même manière. Souvent, ils ne sont pas égéries de marque, ils s’insèrent dans une copie. Le périmètre n’est pas le même, ce qui joue sur le prix du ticket », indique Bertrand Nadeau.
Les chaînes ont bien compris le potentiel publicitaire de leurs animateurs, encore faut-il que l’exploitation commerciale que les marques en font ne nuise pas à l’image de l’antenne et donc à ses audiences. C’est dans cette logique que le groupe TF1 a créé en 2017 l’entité TF1 Factory, son agence de production à destination des marques et des entreprises. Celle-ci gère la représentation en exclusivité de tous les animateurs en CDI en contrat d’exclusivité avec le groupe TF1. Pour chaque opération d’endorsement, 10% à 15% du montant du cachet revient à TF1 Factory. « Ce n’est pas un enjeu business, il s’agit d’un enjeu d’image et de conseil. Nous servons d’intermédiaire entre les marques et nos animateurs, en veillant à garder une cohérence », détaille Mari Guyot, sa directrice. Le groupe a par exemple toujours refusé les propositions de produits dérivés autour de ses animateurs.
Créateurs de valeur
« Certaines marques émergentes ont vu leur activité grandir grâce à l’endorsement. Il y a un vrai transfert de valeur », ajoute la directrice. C’est le cas par exemple de la marque de prêt-à-porter Les Petites Bombes, dont l’animatrice Karine Ferri est l’ambassadrice pour la deuxième année consécutive. Ou en son temps la marque de canapé Château d’Ax, dont la notoriété doit beaucoup à la plantureuse Victoria Silvstedt, alors co-animatrice de La Roue de la fortune. Mais si l’endorsement fait partie de l’offre proposée aux marques par la chaîne, TF1 Factory se défend de l’encourager : « Ce ne serait pas cohérent avec l’image du groupe TF1, notre éthique, celle de nos animateurs. Nous ne voulons pas en faire des hommes-sandwichs », insiste Mari Guyot.
Du côté du groupe M6, les opérations d’endorsement sont plus assumées dès lors qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’opérations de brand content plus larges. « Nos animateurs ne sont pas les porte-parole d’une marque, ils restent dans leur domaine d’expertise », assure Jérémy Valet, directeur de M6 Unlimited. C’est le cas par exemple quand Karine Lemarchand part, fin 2020, à la rencontre de producteurs qui travaillent avec Carrefour, des séquences qui rappellent les confessions champêtres de son émission L’Amour est dans le pré. Même chose quand Philippe Etchebest, juré au caractère tempétueux de Top Chef, s’engage aux côtés de Lidl pour défendre les agriculteurs, privés cette année encore de Salon de l’agriculture. Dans chacun des cas, que ce soit chez M6 ou chez TF1, la direction des programmes a son mot à dire pour être sûre que l’opération ne nuise pas à l’antenne. Il ne faudrait pas tuer la poule aux œufs d’or.