[Cet article a initialement été publié le 30 mai 2020]
À défaut de pouvoir draguer dans les bars et les restaurants avant la deuxième phase du déconfinement, les amoureux transis ont cherché désespérément de nouveaux lieux propices aux rencontres. Les seuls endroits autorisés restaient les boulangeries, les pharmacies, la rue et même le rayon frais du supermarché. Pas très glamour pour un premier date. Pourtant, nombreux sont ceux qui ont redoublé d’initiatives et d’inventivité pour se retrouver, quitte à braver les interdits. « Quelques jours avant le confinement, mon copain et moi avions rompu, ce qui nous a pris de court pour trouver une solution de repli. On s’est retrouvés piégés, l’un dans la chambre, l’autre dans le salon. Je me suis remise sur les applications de rencontre où j’ai fait la connaissance de quelqu’un. Notre premier rendez-vous fut non loin des marches de Montmartre, à se balader et s’assoir sur un banc », conte une chargée de communication.
Pas de vin pour accompagner l’ivresse de la nuit, seules des discussions à cœur ouvert. « Je me suis laissé tenter par la perspective de partir en week-end avec une personne que je connaissais à peine, ce que je n’aurais sûrement jamais accepté en temps normal », confesse un étudiant en management. « J’étais déjà en contact sur Tinder avec un garçon mais depuis le confinement tout s’est accéléré. On se téléphonait au moins une heure par jour, on se faisait des Skype, chose que je n’aurais jamais faite avant », réalise une employée d'hôtel. Le mètre de distance à remplacé la proximité des corps entrelacés. Quand le premier baiser avec un masque fait désormais office de French Kiss.
Sur les réseaux sociaux, les témoignages se comptent par milliers. Le compte Instagram de missives amoureuses version texto de Morgane Ortin, @Amours Solitaires, s’est adapté à la situation actuelle puisqu’il ne relaie plus que des messages d’amoureux transis séparés par le confinement, ou de coming-out post-corona. Il en va de même pour ces comptes @exrelou et @tejpartexto, habitués à afficher les réapparitions d’ex, pour notre plus grand plaisir, ou pas... L’isolation en a incité plus d’un à reprendre contact avec le passé. D’autres profitent de cette situation inédite pour émerger. @The_socialdistanceproject, compte Instagram tenu par la journaliste américaine Sarah Nixon, relate des histoires vécues de couples confinés, de célibataires, de divorcés… il y en a pour tous les goûts.
Record de swipes pour Tinder
La crise sanitaire a bouleversé nos vies mais surtout nos usages. Le besoin de l’autre se fait pressant. « À en croire la pyramide de Maslow, après le besoin d’appartenance de l’humain se trouve le besoin de s’accomplir. Le travail étant le premier lieu de socialisation, les gens trouvent des solutions pour pallier cette privation », énonce Olivier Ravard, consultant en branding et planneur stratégique. Le plus simple étant les applications de rencontre. Évidemment, ce n’est pas la première fois que naissent les idylles en ligne, en revanche c’est l’engouement autour de ses apps lié à la privation du lien social qui est inédit. Tinder a annoncé dans un communiqué avoir atteint son record de swipes en une seule journée, soit 3 milliards de profils likés ou nextés. Ce dernier explique qu’en France, entre le 20 février et le 26 mars, « le nombre et la durée des conversations quotidiennes ont augmenté tous les deux de 23% ».
D’autres s’adonnent à de nouvelles sensations, comme sur le site de rencontres Gleeden – pour les femmes qui veulent plus que leurs maris – qui a enregistré une augmentation de 260% de fréquentation. « +70% des utilisateurs célibataires auraient préférés être dans une relation. D’autres vont encore plus loin en ajoutant qu’il est important de trouver un prétendant pendant le confinement (41%). Les gens ont envie de se sentir moins seuls et plus connectés », indique Ingrid Sikotty, responsable marque Badoo France, suite à une enquête interne. Le site a d’ailleurs mis en place une thérapie en ligne sur YouTube à destination des célibataires, une sorte de love coach.
Leïla Slimani disait, à juste titre, dans son Journal de confinement : « Monde de virtualité, nous voilà réduit à n’exister, à ne nous parler, à n’interagir qu’à travers des écrans ». Des interactions virtuelles qui vont au-delà des simple textos et selfies, puisque nombreux sont les sites de rencontre qui proposent la conversation vidéo à avoir enregistré un boom de cette fonctionnalité. Bumble a ainsi observé une hausse de 44%. « C’est comme une sorte de pré-date, ça permet aux gens de mieux se connaître à distance, de streamer de la musique, de regarder des vidéos ensemble ou bien de boire un verre. Il y a également eu une prise de conscience chez nos utilisateurs sur l’utilité de la vidéo, elle peut s’avérer être un moyen rassurant de jauger la personne en face et pourrait devenir par la suite un incontournable avant la rencontre physique », rajoute Ingrid Sikotty. Tinder a suivi la cadence en annonçant s’équiper prochainement de cette fonctionnalité.
Confessions intimes
Ce n’est pas un hasard si la télé-réalité américaine Love is Blind a connu un franc succès. Le show a été en tête des programmes Netflix les plus regardés pendant plusieurs semaines : nombreux sont les téléspectateurs a y avoir projeté leur propre sort. Dans l'émission, les prétendants femmes et hommes sont confinés chacun de leur côté, ne pouvant communiquer qu’à travers un isoloir. Ils ne se voient pas mais tombent pourtant amoureux. Peu importe qu'elles soient romancées à l’excès, ces histoires d’amour sont une fenêtre ouverte sur le présent.
Plus concret, le podcast Les Gentilshommes crée en 2017 a adapté son format en proposant tous les lundis et jeudis soir un live sur sa page Instagram, autour du thème « spécial confinement ». Les trois copains-présentateurs en profitent pour interroger Louisa, Aude, Julie, Mélanie… des femmes qui expérimentent chacune à leur manière le confinement. La gestion d’une libido grimpante tout en étant célibataire, les récents matchs effectués sur les applications de rencontre, les emménagements pécipités avec un nouveau jules... Des situations que bon nombre d’humains vivent depuis plus de deux mois.
Mais dans cette quête de l’âme sœur virtuelle, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. « Il existe des inégalités par rapport à la connexion du réseau, le modèle d’appareil utilisé… Il faut également connaitre les modes d’emploi des outils de connexion, tout le monde n’est pas au fait de Teams, Zoom… S’approprier la technologie n’est pas une obligation mais une condition », rappelle Olivier Ravard. À quand les bébés Corona ?