Vous publiez en français votre best-seller Tous des idiots (éditions First), vendu à plus d’un million d’exemplaires dont 800 000 en Suède, votre pays natal. Sommes-nous nombreux à penser que nombre de nos contemporains sont stupides ?
Thomas Erikson. On a tous le sentiment que pas mal de ceux qui nous entourent sont des idiots et que l’on est le seul à comprendre ce qui se passe ou ce qu’il faut faire. Mais il y a bien moins d’idiots que l’on pourrait le croire. Le titre est ironique. Le défi est d'apprendre à se comprendre.
Cependant, certains ont-ils le talent d'attirer les idiots ?
Oui, ils les attirent comme des aimants. Mais il faut se mettre en face d’un miroir et se demander pourquoi. C’est souvent parce que l’on a tendance à vivre dans notre propre tête. C’est comme quelqu’un qui conduit sur une autoroute et entend à la radio : « Attention il y a une voiture qui a pris l’autoroute en sens contraire ». Il se tourne vers sa femme et lui dit : « Une voiture ? Mais il y en a des milliers qui ont pris l’autoroute en sens inverse ». C’est lui le conducteur incriminé. Si vous n’envisagez jamais votre propre action et si vous ne remettez pas en question vos propres pensées, vos propres jugements, vous êtes l’idiot !
Pourquoi le comportement des autres est-il aussi crypté pour nous ?
Il n’est pas si compliqué, mais on a souvent tendance à utiliser notre manière de décrypter les autres avec nos propres filtres. Le défi est d’essayer de comprendre en utilisant notamment l’outil scientifique que je propose.
Vous vous appuyez sur les théories de Jung, de Freud et la méthode DISA, qui distingue quatre types de caractères identifiés en quatre couleurs. Elle est diffusée dans plus de 100 pays et 48 langues. Peut-on évaluer le pourcentage de chaque type-couleur ?
Dans le monde industrialisé, il y a environ 10 % de personnes avec un profil majoritairement rouge, 45 % vert et 45 % se répartissent assez équitablement entre le bleu et le jaune. 15 % des personnes ont une couleur majoritaire, 80 % des gens ont deux couleurs et 5 % ont trois couleurs. Ces derniers sont les plus difficiles à interpréter.
Pouvez-vous nous donner trois qualités, trois défauts et deux noms de personnes célèbres qui aient le profil rouge ?
Le rouge est orienté sur les objectifs et les résultats. Il est rapide et peut être perçu comme lunatique et même parfois harceleur. Il oublie parfois les choses. Il est souvent perçu par les verts et les jaunes comme étant un peu agressif ou dur. Le président Trump ou Arnold Schwarzenegger en sont.
Quelles sont les caractéristiques des jaunes ?
Ils sont positifs, ouverts d’esprit, créatifs et très extravertis. Ils aiment parler. Ils n’aiment pas les détails et peuvent être un peu trop sensibles et oublier des choses. Je citerais Jim Carrey, Nicole Kidman ou Meghan Markle.
Et les verts ?
Ils cherchent la stabilité et la sécurité. Ils ont une belle qualité d’écoute et sont polis. Ils n’aiment ni les conflits, ni les changements. Et préfèrent retourner la question que donner leur avis. Michelle Obama ou Hugh Jackman sont verts, comme Kylian Mbappé. Il est excellent dans son sport et très humble. Il met toujours l’équipe en avant.
Finissons par les bleus…
Ce sont des analystes. Ils s’orientent vers les détails, les faits et aiment prouver les choses. On peut les trouver froids, et penser qu’ils se noient dans les détails. Ils peuvent parfois sembler psychorigides. Bill Gates ou Albert Einstein sont des bleus.
Une fois que l’on a identifié le profil de nos collègues ou proches, comment apprendre à mieux les apprécier ou communiquer avec eux ?
Il faut surtout avoir une bonne connaissance de soi. Un rouge aura tendance à ne pas écouter un bleu car il peut le trouver trop lent ou têtu. Mais s’il veut tirer le meilleur parti de ce bleu, il doit prendre le temps de comprendre ses atouts et ses forces.
Comment faut-il s’y prendre pour manager le mieux possible des équipes où toutes les couleurs sont présentes ?
Avoir la variété la plus importante dans une équipe vous donne une dynamique totale : l’énergie des rouges, la créativité des jaunes, la loyauté des verts et le perfectionnisme des bleus. Pour que l’équipe reste soudée et pour exploiter le meilleur de tous, il faut un leader qui sache communiquer et se connaisse très bien. Le rouge est toujours plus à l’aise avec le jaune, le bleu avec le vert, tandis que bleu et jaune ou rouge et vert se comprennent moins facilement. Le bon leader doit savoir où il se trouve dans le schéma de communication et quels aspects accentuer. Être plus factuel ou humain, extraverti ou posé suivant le profil de son interlocuteur. Grâce à cette méthode, vous n’avez plus le sentiment d’être entouré d’idiots. Accepter nos différences, c’est la clé vers moins d'incompréhension et plus d’efficacité.
Quels sont vos projets ?
J’ai déjà publié dans certains pays une suite qui s’appelle « Tous des psychopathes ». Elle a beaucoup de succès en Chine. Et à la suite de Tous des idiots, j’ai reçu 10 000 e-mails, dont beaucoup me demandaient comment utiliser cet outil pour manipuler les gens. Cela m'a choqué car ce n'est pas du tout son dessein...