«Nous avons tous des cernes et le sourire aux lèvres.» C'est ainsi que Thierry Wellhoff, président de l'agence Wellcom et du Syntec RP, le syndicat professionnel des agences de relations publics, décrit les professionnels du secteur en ce mois de mai 2012. Pour étayer ses propos, un seul chiffre récent sur le marché, celui de France Pub-Irep: les relations publics, en croissance de 2,2% en 2011, représentent 5,5% des investissements en communication des annonceurs, soit 1,738 milliard d'euros.
Mais ce chiffre ne recouvre que les relations avec les médias et les événements d'entreprises (colloques, journées portes ouvertes...). Côté agences, on évoque un marché relativement dynamique, avec des marges brutes stables ou en augmentation de 3 à 5% en 2011 et 2012.
La présidentielle, source d'opportunités
«En période de crise, ce marché se contracte moins que celui de la publicité. Les relations avec les médias ou les parlementaires coûtent nettement moins cher qu'un spot télévisé, ne sont pas arrêtées», commente Pierre-Yves Frelaux, président de TBWA Corporate. L'année 2012, marquée par la campagne présidentielle, est même une aubaine pour certains. «C'est une période extrêmement propice pour les affaires publiques. Vu l'alternance et les remaniements ministériels, tout est à recommencer pour nos clients», ajoute-t-il.
Sans parler de tous ceux qui, après quelques années passées en cabinet, viennent frapper à la porte des plus gros acteurs du marché: Publicis Consultants, Euro RSCG C&O ou encore TBWA Corporate. «Ces trois derniers mois, j'ai rencontré trois candidats par semaine. Des personnes de talents susceptibles de nourrir notre expertise en communication d'influence», précise encore Pierre-Yves Frelaux qui devrait, sous peu, annoncer quelques embauches ayant ce type de profil.
Cette année s'annonce comme une période de mutation pour quelques acteurs phares du secteur. Fini Euro RSCG C&O: leader sur son marché, l'agence est appelée à abandonner son nom en fusionnant avec d'autres entités du groupe Havas. De son côté, I&E, agence indépendante de référence, est en quête d'un second souffle, et négocie depuis quelques semaines son rachat par Burson-Marsteller (WPP). Ses fondateurs, Jean-Pierre Beaudoin et Tristan Follin, organisent la transmission du capital après celle du management.
Ces aléas, propre à la vie des entreprises, n'entament pas l'optimisme des professionnels du secteur, persuadés d'être particulièrement en phase avec les nouveaux enjeux de communication des marques et des entreprises. «Nous avons un boulevard devant nous, notamment sur tous les sujets liés aux crises. Savoir les anticiper et les accompagner est devenu primordial, à l'heure où Internet peut tout faire basculer», commente Philippe Pailliart, dont l'agence Burson-Marsteller consacre 20% de son business à la communication de crise.
Cette activité tire donc, sans surprise, la croissance de plusieurs acteurs du marché de Hopscotch à RPCA qui a lancé un pack de communication anti-crise pour les PME-PMI.
Aux enjeux de réputation qu'il faut construire et protéger, s'ajoute la nécessité pour l'entreprise de s'impliquer dans la société, de contribuer au débat public. «Nous construisons, pour nos clients, des positionnements dans une logique de société, d'intérêt général, et pas seulement de marché. C'est une demande croissante», commente Jean-Pierre Baudouin, le président d'I&E.
Un secteur particulièrement porteur
Pour Thierry Wellhoff, si le secteur des relations publics est porteur, c'est parce qu'il développe la confiance entre une entreprise et ses publics. «Pendant des années, les professionnels de la communication ont parlé de techniques et non pas d'enjeu, se focalisant sur ce qu'ils faisaient et non pas sur ce qu'ils apportaient, explique-t-il. Or si la publicité crée du rêve et donne envie d'un produit, si le marketing direct et la promotion favorisent l'acte d'achat, les relations publics agissent sur la confiance en indiquant, par exemple, d'où vient un produit ou ce qu'il y a dedans. Cette confiance est aujourd'hui essentielle. Elle est aussi importante que la notoriété et la stimulation.»
Les relations publics ont d'autres atouts mis en avant par les professionnels du secteur: la possibilité de délivrer, en toute cohérence, des messages ciblant différents publics, de «faire de la dentelle». Ou encore la faculté de ne pas tomber dans des raccourcis réducteurs. «C'est la seule discipline qui sait gérer la complexité. Elle est particulièrement adaptée aux secteurs de l'énergie, de la santé, de l'environnement ou des nouvelles technologies», ajoute Thierry Wellhoff.
Autre avantage des relations publics: elles font porter les messages de l'entreprise par des intermédiaires (journalistes, experts, leaders d'opinion...), ce qui renforce leur valeur et leur impact. Enfin, les agences mettent en avant leur capacité à entrer en relation avec différents publics, notamment les internautes sur les médias sociaux. Un sérieux atout à l'heure du Web 2.0.
Le terme de «relation» est d'ailleurs porté haut et fort par plusieurs acteurs du marché. En 2011, I&E a adopté un nouveau positionnement sur «la valeur de la relation», celle-là même qui par son intensité et la qualité de ses contenus, génère du soutien, de l'achat, de l'adhésion, de la fidélisation et de l'engagement de la part des parties prenantes.
Stéphane Billiet, ex-président de Hill & Knowlton, a quitté la vie des groupes et des réseaux pour prendre la tête de We Agency repositionnée en «agence de relation». Ce dernier est convaincu que, à terme, les directeurs de la communication céderont la place, dans les entreprises, à des directeurs de la marque et de la relation. «C'est ce focus sur la relation qui nous a permis de nous développer ces dernières années avec des démarches innovantes», commente Philippe Pailliart. Et de citer les «stakeholder sessions», ou réunions sur une journée des parties prenantes de l'entreprise, ou encore les conférences de citoyens, venues d'Europe du Nord, organisées pour son client Heineken.
Vers l'assemblage des métiers
Essentiel à la vie des marques, en phase avec le Web 2.0 et les enjeux sociétaux, le secteur des relations publics est donc particulièrement porteur. Reste ces quelques difficultés qui lui collent encore à la peau. A commencer par son nom. Pour beaucoup, le terme de relations publics, longtemps orthographié «relations publiques», donne une image réductrice voire négative du métier. Difficile de valoriser ses prestations. D'autant que des pratiques tarifaires, regrettées et regrettables, tirent le marché vers le bas.
Autre caractéristique qui ne facilite pas toujours une juste appréhension du marché, la grande disparité et diversité de ses acteurs: attaché de presse indépendant, bureau de presse comptant quelques salariés, agences conseil de plus de cent collaborateurs comme Hopscotch et I&E, spécialistes des relations médias à l'image de Selfimage ou FHCOM, acteurs plus généralistes tel Wellcom positionnée sur les relations médias et la communication corporate.
«Il est difficile aujourd'hui de rester pure player sur ce marché», affirme Thierry Meunier, président de RPCA-Thompson Corp. La filiale de JWT réalise 70% de son activité en relations médias tout en se développant dans l'audiovisuel, l'événementiel, le digital et la communication de crise. Pour elle, comme pour beaucoup de ses concurrents, l'heure est à l'assemblage des métiers.
«J'ai souhaité inscrire les relations médias dans une réflexion plus large», explique Emmanuel Bachellerie, fondateur de Bach & Partenaires aujourd'hui dans le giron de l'agence corporate Ligaris rebaptisée «agence des contenus qui créent des liens». «Notre rôle est bien de concevoir des contenus qui enrichissent la relation d'une marque avec tous ses publics puis de leur trouver une audience. C'est cette approche intégrée qui nous a permis de remporter le budget GIE Transport public GART-UTP», ajoute-t-il.
En 2012, Rumeur publique, spécialiste des relations presse, a également élargi ses prestations à la stratégie d'influence. Désormais, ses 45 salariés sont répartis en cinq pôles: relations publics, création, consulting, brand content et digital. L'union fait aussi la force pour Harrison & Wolf. La seconde agence corporate de TBWA France vient de rejoindre BDDP Unlimited pour se doter d'une forte expertise en digital et production de contenus. De quoi répondre à la demande de ces entreprises transformées, à l'heure du Web, en chaîne d'information en continu.
On pourrait également citer Ketchum Pleon, qui après avoir «digitalisé» l'agence, mise sur une offre plus élargie avec le lancement d'une offre en lobbying et le rachat de l'activité communication financière de DDB.
Les enjeux corporate des entreprises s'imposent
Si les agences de relations médias développent leurs expertises, les agences corporate se musclent aussi en relations publics. C'est le cas de Meanings, qui a récemment remporté la gestion des relations médias de Vinci Immobilier, de l'ANCV (Agence nationale pour les chèques-vacances) ou de l'UFSBD (l'Union française pour la santé bucco-dentaire). «Il y a quelques années ces budgets auraient été traitées par des pure players, indique Manuel Lagny, directeur associé de l'agence. Mais les métiers du conseil et des relations publics sont de plus en plus liés, qu'il s'agisse de médiatiser un président ou de valoriser les capacités ou les valeurs d'une entreprise».
Cette montée sur le conseil et le corporate est sensible dans bien des agences. «Depuis six mois, je vois apparaître des contrats à l'année dotés d'honoraires plus importants», explique Isabelle Gauquelin, directrice associée de Self Image, qui travaille depuis peu en corporate pour Coca-Cola, Citroën et Vente-privee.com. Nous travaillons du coup sur le long terme et de manière plus stratégique avec nos clients.»
Même sentiment du côté de l'agence indépendante Elan dont le taux de croissance annuelle, +30%, fait figure d'exception. «Les entreprises nous demandent de plus en plus de conseil, de stratégie, de vision, mais aussi davantage d'audace, de créativité et d'idées, explique Nicolas Narcisse, cofondateur de l'agence. Nous ne sommes plus dans la gestion packagée du service de presse». Sa croissance est aujourd'hui portée par les enjeux corporate des entreprises.
Idem pour FHCOM, qui enregistre une forte demande sur ce type de budgets. «Comme pour Unilever ou Club Med Gym, nous avons commencé par une communication très axée sur le produit, avant de nous occuper d'enjeux corporate qui élargissent nos champs d'intervention», explique Frédéric Henry. Une tendance qui pourrait permettre au secteur de valoriser ses prestations.
Encadré
Publiques ou publics ?
N'écrivez plus «relations publiques» mais «relations publics». Pour beaucoup, cette modification, voulue par le Syntec RP en 2011, est encore perçue comme une faute d'orthographe. Et pourtant, avec ce nom revisité, les professionnels du secteur entendent transcrire la réalité d'un métier consistant à penser, nourrir et orchestrer les relations d'une entreprise ou d'une marque avec l'ensemble de ses publics. L'adjectif féminin, mauvaise traduction de l'expression anglaise «public relations», lui a conféré l'image d'un métier superficiel fait de copinage et de soirées petits-fours. Réducteur et en effet peu valorisant.
Encadré
Les Agoras du Syntec RP
Valoriser la dimension stratégique des relations publics, telle est l'ambition du Syntec RP et de ses Agoras. Thomas Marko, fondateur et directeur associé de l'agence Thomas Marko & Associés, a orchestré les deux dernières éditions choisissant des sujets accrocheurs: la communication des OGM en France et celle des boissons alcoolisées. Des sujets complexes et difficiles pour lesquels entreprises, marques et agences doivent user d'influence pour peser sur l'opinion publique. Et pour lesquels les relations avec les publics sont particulièrement adaptées.
Encadré
Cap sur l'international
Pour certaines agences, l'international est un levier de croissance non négligeable. Hopscotch, agence de relations publics et de communication digitale du groupe Public Système-Hopscotch, était déjà présente à Dublin et Hong-Kong. Elle s'est implantée avec succès en janvier à Pékin selon un même modèle: la création de hub intégrant les métiers des relations publics, du digital et de l'événementiel. Parmi ses clients: les centres commerciaux K11. Fleishman-Hillard Paris a pour sa part jeté son dévolu sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, où l'offre en relations publics est relativement réduite. L'agence coordonne notamment depuis Paris la communication internationale de clients locaux, type Morocco Mall, centre commercial de Casablanca. Elle fait aussi profiter les clients français de son réseau international.