Medias
Un paysage dominé par un gros acteur, Canal +, mais où les intérêts étrangers et bancaires se renforcent : telle est la cartographie des médias en 2010.

Contrairement à une idée recue, les médias français ne sont pas dominés par l'état actionnaire mais par plusieurs pays. Certes, France Télévisions, Radio France, l'Audiovisuel extérieur de la France et Arte France avoisinent globalement les 4,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires si l'on y inclut redevance et ressources publiques.

Mais en prenant en compte l'ensemble des actionnaires étrangers qui contrôlent les groupes français, de l'allemand Bertelsmann (M6, RTL, Prisma, Motor Press France) aux américains KKR (Pages jaunes) ou Clear Channel, en passant par l'italien Mondadori ou le belge Roularta (L'Express), ce sont plus de 5 milliards d'euros qui sont rassemblés entre les mains de propriétaires étrangers.

Une addition qu'il convient probalement d'augmenter de près d'1 milliard d'euros pour prendre en compte le poids réel de Google en France (l'entreprise ne déclare que 68,7 millions d'euros dans l'Hexagone, selon la Coface, l'essentiel de ses revenus européens étant hébergé par son siège social irlandais pour des raisons fiscales).

Le géant Bertelsmann, à plus de 2,2 milliards d'euros, se taille la part du lion. "C'est l'un des tout premiers acteurs de notre paysage médiatique, observe Jean-Clément Texier, président de la Compagnie financière de communication, même s'il se cache volontairement en faisant émerger des marques fortes. Le marché allemand, lui, est totalement impénétrable aux intérêts étrangers."

Auto-anticoncentration

Pour ce spécialiste des médias, la situation française s'apparente à une "no man's land" : "Quand ils voient le résultat qu'on fait dans un métier qu'ils connaissent, ils se disent qu'ils doivent pouvoir faire mieux." Avec l'allemand Axel Springer (Au Féminin, Se Loger), les groupes étrangers sont depuis peu présents sur l'Internet français et ils s'affirment dans la presse quotidienne avec le belge Rossel (Voix du Nord), en passe de prendre à Hersant Médias 50% de La Provence et de Nice Matin.

"Nul besoin de législation anticoncentration, ajoute Jean-Clément Texier, il suffit de laisser faire les capitalistes: leur mégalomanie aboutit à l'explosion de leur groupe."  En 2011, Lagardère Active s'est désengagé de l'international en vendant ses magazines au groupe Hearst, tandis que Bolloré a vendu Direct 8 et Direct Star à Canal+, qui s'affirme comme le premier groupe médias de France.

L'autre leçon du classement des médias cette année – qui repose sur les sociétés opérationnelles – est la monté en puissance des acteurs bancaires (Crédit mutuel et Crédit agricole en PQR, fonds d'investissement) alors que les familles comme Hersant, qui avaient construit leur développement sur de la dette sont dans des situations délicates.

Même le groupe Amaury, qui bénéficie d'une forte présence dans l'organisation d'événement sportif (ASO), a une gestion serrée de ses quotidiens L'Equipe et Le Parisien, et intègrent de plus en plus des activités d'enrichissement de ses métiers via le numérique.

Il s'agit de gagner des recettes à la marge du papier, comme l'a fait Le Figaro en réalisant plus de 20 % de son chiffre d'affaires sur Internet. "Si on ajoute l'édition, totalisant 4,5 milliards d'euros, à la presse qui représente une activité de 9,5 millions d'euros, conclut Jean-Clément Texier, l'écrit pèse encore plus en France que l'audiovisuel [12 milliards d'euros]. Ce ne sera bientôt plus le cas. La télé aura mis trente ans pour dépasser l'écrit." Parions qu'Internet ira plus vite !

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