Consultant en e-réputation, «community manager», chargé de veille en ligne, «competitive intelligence manager»... Les termes changent, mais le périmètre désigné est globalement le même. Dopée par la puissance de tir du Web 2.0 et des réseaux sociaux, l'e-réputation est en train d'essaimer dans les entreprises et dans les agences. Mais qui sont les pilotes et les exécutants?
Un rapide balayage des offres d'emploi permet d'éclairer les attentes des employeurs. Le consultant le plus demandé est jeune, natif du numérique, de niveau minima bac+4 ou +5, diplômé d'école de commerce, de communication, de journalisme ou de sciences politiques (les profils en intelligence économique semblent paradoxalement moins recherchés).
Il a bien sûr un goût prononcé pour le 2.0 et les outils informatiques, et parle couramment anglais. Il fait montre d'une curiosité sans cesse en éveil, de capacités d'analyse, de médiation et de conviction. Il s'est de fait «formé» de manière empirique. En effet, aucune formation ne prépare stricto sensu au métier de consultant en e-réputation. Les cursus les plus proches se trouvent au Celsa 3e cycle ou dans des écoles de communication.
La forte proportion d'offres de stage constitue un indicateur quant à la jeunesse d'un métier qui recrute beaucoup parmi les juniors. Et ceux-ci en redemandent. Les candidatures spontanées font florès. «Elles proviennent plutôt de juniors, bac +2 à +5, fous de Web», constate Éric Barilland, directeur des médias digitaux d'Orange.
Les annonces diffusées via les sites de recrutement reflètent sans doute davantage l'effervescence d'un marché en phase de croissance spontanée que la réalité d'un métier aux frontières clairement identifiées. «La fonction de “community manager” en 2010 peut être comparée à celle de webmaster à la fin des années 1990. Elle recouvre de facto des missions et des activités diverses», remarque Thomas Delorme, directeur général de TMP NEO, agence de communication pour les ressources humaines.
Pour étoffer son activité e-réputation, OTO Reseach, pôle études de Fullsix, table aujourd'hui sur une complémentarité des profils. «Le métier est en train de s'improviser. Le mouton à cinq pattes n'existe pas. Le mieux est donc de faire travailler ensemble des jeunes férus de digital, des marketers seniors, des experts en intelligence économique, des gens issus des instituts d'études», explique Anne-France Allali, directrice générale.
Même au sein d'entreprises a priori promptes à intégrer et déployer l'e-réputation, l'heure est encore à l'observation. «Nous sommes en phase d'identification et de valorisation de l'expertise», résume Éric Barilland. Orange compte aujourd'hui en France une cinquantaine de praticiens, tous issus de l'interne, repérés dans les divers services sur la base de critères encore informels et intuitifs. Mais, reconnaît le patron du digital, «il faudra bien se mettre aux recrutements externes».
Articulation juniorité/seniorité
Les enjeux sont trop importants pour que les entreprises n'affinent pas leurs canaux et leurs critères de recrutement. «On parle de la réputation des entreprises, donc d'un sujet ultrasensible qui requiert recul, maturité et expertise marketing», insiste Didier Pitelet, président de Dream Group.
Pour Stéphane Billiet, PDG d'Hill & Knowlton Paris et président de Syntec RP, l'articulation juniorité/seniorité dans l'e-réputation se gère exactement comme dans les autres expertises de conseil, en fonction d'une chaîne de valeur professionnelle. «Un stagiaire peut très bien être affecté à de la veille, indique-t-il. En revanche, pour produire des messages, pour préparer les entreprises à intervenir, on va recruter et mobiliser des seniors.»
Quant à la «stagiarisation» massive dont témoigne les offres d'emploi, elle serait l'effet mécanique de l'atrophie drastique des budgets, toutes lignes confondues. Au sein des agences, d'après Syntec RP, le salaire moyen d'un poste en e-réputation tournerait autour des 30 000 euros annuels, «rarement moins», précise Stéphane Billiet.