26 juin 2009, 00h10. Sur le Net, la totalité des sites de magazine people confirment la mort de Mickael Jackson dans un hôpital de Los Angeles. Pendant la journée qui suit, heure par heure, les infos affluent… et l'audience des sites de Voici, Gala, Closer et Public explose. Pour ces sites, la mort du King of the Pop est une seconde naissance: il y a à peine deux ans, ils n'étaient encore que des «compagnons» du print, sans véritable valeur ajoutée. «Nos sites Web livrent aujourd'hui un véritable fil d'info people, un peu à la façon d'une agence de presse», explique Pierre Garbownik, directeur Internet chez Prisma Presse.
Des scoops, des photos, des vidéos, bref, de l'info brute en temps réel, gérée par une rédaction en propre, qui a permis à ces sites de faire grimper leur fréquentation: Closer.fr vient ainsi de recevoir l'étoile OJD de la meilleure croissance, avec 950 000 visiteurs uniques en moyenne au second semestre 2009. En tête du peloton, Voici.fr et Gala.fr, qui frôlent chacun les 2 millions de visiteurs uniques par mois, suivis de Public.fr et ses 1,3 million de visiteurs uniques en janvier.
À ce rayonnement sur la Toile s'ajoute depuis peu une présence sur Iphone, avec une même vocation de fil info. L'application Closer, lancée en juin 2009, a été téléchargée 450 000 fois. Celle de Public 350 000 fois en un an. «Et, contrairement à certaines applications, son utilisation ne s'érode pas dans le temps. Nous avons calculé que les mobinautes passent environ une heure par mois dessus», se félicite Emmanuel Vacher, directeur marketing et commercialisation de Lagardère Active. Près de 20 millions de pages vues pour l'application de Public, 15 millions pour celle de Closer, tandis que Voici et Gala rattraperont leur retard d'ici à quelques mois.
Complémentarité
Un usage massif… et pour l'instant gratuit à 100%. Quand l'info people s'offre gratuitement sur le Web ou le mobile à un rythme effréné, y a-t-il encore de bonnes raisons d'acheter un magazine en kiosques? «Évidemment! Le débat sur la cannibalisation du print par le numérique est dépassé, lance Pierre Garbownik. Le papier glacé ne souffre pas de la déclinaison Web et mobile, car les supports ont réussi à devenir complémentaires.» Comment? «Il y a aujourd'hui deux types de scoops: ceux liés à l'actu chaude, que tout le monde s'attend à lire sur le Web ou le mobile. Impossible d'attendre la parution d'un magazine pour savoir si Johnny est sorti du coma! Et puis, il y a les scoops produits pour le papier, qui reposent souvent sur des photos», explique Nicolas Pigasse, directeur de la rédaction de Public.
Car s'il est illusoire de vouloir préserver une info brute pour le magazine, on peut en revanche attendre la parution papier pour publier un cliché exclusif. «Et c'est souvent le cas», affirme Pierre Garbownik. «Quand nous avons des problèmes avec une photo au niveau des droits, nous préférons la diffuser sur le print plutôt que sur le Web», avoue Maÿlis Leroux, directrice marketing de Mondadori France Digital.
D'abord parce qu'en cas de procès, il vaut mieux ne payer que pour un seul support. Et aussi parce que, sur la Toile, on maîtrise difficilement le buzz autour d'une image. Face au «temps réel» du numérique, le print s'impose aussi comme le média de la mise en scène. «Le lecteur veut des histoires écrites, de l'analyse», estime Pierre Garbownik.
Les peurs de la cannibalisation oubliées, les quatre titres de presse people assument donc leur positionnement multicanal. «Avons-nous le choix?, sourit le responsable Internet de Prisma Presse. Sans cette présence numérique, nous serions les seuls à ne parler qu'une fois par semaine à nos lecteurs, alors que des “pure players” se sont imposés sur le secteur.» Purepeople.fr, lancé en décembre 2007, est en effet leader sur le Net, avec un rythme de croisière de 2,2 millions de visiteurs par mois (janvier). «Nous nous positionnons comme un Gala pour les jeunes. Par choix éditorial, mais aussi parce que nous dépendons de la publicité, nous nous plaçons du côté des égéries, et pas dans le scoop trash», affirme Cédric Siré, son fondateur. «Leur atout, c'est qu'ils sont nés d'Internet. Leur légèreté d'organisation leur permet d'être plus réactifs que nous», analyse Pierre Garbownik. Avec ses 80 infos par jour, le pure player impose donc son rythme aux sites de magazines, et continue de se développer. «Nous devrions bientôt lancer une chaîne people, en partenariat avec un gros acteur du Web», confie Cédric Siré.
Cœur de cible différent
Car la vidéo reste un enjeu essentiel pour l'info people sur le Web comme sur le mobile. En lançant Public TV en 2006, Lagardère se positionnait comme précurseur. Le site propose désormais chaque jour, du lundi au vendredi, un magazine people de 6 minutes, June's Gossip, diffusée aussi sur June, chaîne du groupe. «Nous avons enfin trouvé un modèle économique autour de la vidéo, car l'audience s'est renforcée. Nous réfléchissons donc à produire d'autres émissions sur le Web», précise Emmanuel Vacher. Closer.fr a aussi son «zapping people», tourné par une équipe spéciale et diffusé chaque semaine. «Nous produisons également des émissions de relooking, qui sont très regardées», précise Maÿlis Leroux.
Chez Prisma Presse, les sites Web disposent désormais d'un studio TV. Gala.fr propose une émission de mode régulière, Des mots de mode, présentée par Viviane Blassel. «Sur l'actu people, nous avons fait le choix de ne pas produire de mini-JT, comme nos concurrents, pour ne pas tomber dans le robinet à images. Nous préférons faire du reportage, nous rendre sur la Fashion Week, par exemple, ou à Cannes. Quitte à produire de la vidéo, autant qu'il y ait une pertinence éditoriale. Sinon Dailymotion sera toujours plus fort que nous», constate Pierre Garbownik.
Pour élargir encore leur audience, les marques people déclinent aussi sur Web et mobile leur partie mode. «Le nouveau trimestriel Public Look ayant bien fonctionné, nous allons développer cette rubrique sur notre portail», annonce Nicolas Pigasse. Une manière de résister à la déferlante de nouveaux féminins people, comme Envy ou Grazia? «Nous n'avons pas attendu la sortie de ces hebdos pour nous positionner sur ces sujets. De toutes façons, notre cœur de cible est différent, puisqu'il a entre 15 et 25 ans», précise Emmanuel Vacher.
Déclinaisons à tout-va
Sur le site de Closer, la partie style prend elle aussi de l'importance, «toujours avec une entrée people. Nous proposons aux internautes de s'habiller comme telle actrice ou telle chanteuse, mais à petit prix», explique Maÿlis Leroux. Grâce à un partenariat avec un métamoteur de vente en ligne, l'internaute peut en un clic acheter le vêtement convoité. «L'année 2010 va être consacrée au développement de ce service. Nous croyons au people accélérateur de consommation», assure la directrice marketing.
Chez Prisma, on réfléchit aussi à développer des services autour de l'univers du shopping et de la mode. «Pourquoi ne pas créer des applications Iphone payantes autour de ces services?», réfléchit Pierre Garbownik.
Une chose est sûre, le mot «déclinaison» n'effraie plus les titres people. Bien au contraire. «En étant présent sur tous les supports, les marques Voici et Gala deviennent plus fortes. Cela nous permet aussi de régénérer l'âge de nos lectrices, car nos internautes sont globalement plus jeunes», analyse Pierre Garbownik. «L'application IPhone, comme le site, participent au rayonnement de la marque et ont un effet positif sur la diffusion payante», poursuit Emmanuel Vacher.
Un rayonnement que les annonceurs ont été les premiers à saisir: l'application Public a été rentabilisée dès son lancement grâce à une forte présence publicitaire, d'Etam à Nestlé. Et la demande de campagnes multicanal continue d'augmenter.
Sous-papier
Nouveaux féminins : un danger pour la presse people?
Vanessa Paradis, Angelina Jolie, Scarlett Johansson, etc. Jamais ces icônes de papier glacé n'ont autant été placardées en kiosques et sur les Abribus. Avec l'arrivée de trois hebdos féminins, les couvertures people ne sont plus l'apanage des Closer et autre Voici. Grazia, Envy et Be ont-ils pour objectif d'aller à la chasse aux lectrices des magazines people? Non, répondent en chœur les trois rédactions.
«Nous faisons le pari d'agrandir le marché», lance Christelle Parlanti, rédactrice en chef d'Envy. Chez Lagardère, on avoue pourtant que la sortie de l'hebdo du groupe Marie Claire pourrait faire du tort à Public, dont la cible est assez proche. Envy affiche en effet clairement la couleur people dans sa baseline, et joue avec des surtitres du genre «Exclusif». «Nous voulons être à la fois respectueux et croustillant, explique Christelle Parlanti. Avoir de l'exclusif grâce à des enquêtes journalistiques poussées, mais sans jamais aller dans le trash.» La lectrice avide de photos montrant Amy Winehouse affalée dans un caniveau n'y trouvera donc pas son compte.
Envy est en tout cas le seul des trois à proposer une rubrique people, quand Grazia et Be ont choisi de distiller le genre dans tout le magazine: «Nous sommes avant tout un féminin. Le people est un prisme de lecture. On le retrouve dans la mode ou la culture, affirme Anne Bianchi, directrice de la rédaction de Be. Mais pas question d'être dans le scoop ni le potin.»
Identification
Même politique éditoriale chez Grazia: «Un féminin haut de gamme se doit de rester élégant dans le traitement de l'actu people. Nous attendons que les scoops soient sortis pour traiter ces infos de manière décalée. Nous allons par exemple faire un décryptage du couple Carla Bruni-Nicolas Sarkozy, mais n'aurions jamais sorti la rumeur», assure Yseult Williams, rédactrice en chef de l'hebdomadaire lancé par Mondadori France. Autre exemple: le couple Tim Burton-Helena Bonham Carter sera plutôt traité sous l'angle de leur look gothique.
Ces nouveaux féminins ne sont donc pas là pour fouiller les poubelles des célébrités, mais pour rappeler aux lectrices que ces actrices, ces chanteuses, ces mannequins sont des filles comme les autres. Chez Be, on joue à 100% la carte de l'identification. En couverture du premier numéro, Vanessa Paradis, avec un titre révélateur: «Une icône qui nous ressemble». SelonChristelle Parlanti, «ces people sont comme nous, en “plus”: elles ont plus de maris, plus de sacs, plus de fringues, plus de soirées VIP, etc. Mais au final, elles ont des problèmes qui nous concernent.» La lectrice s'y retrouvera-t-elle?