Des budgets de promotion en baisse, une réglementation contraignante, l'arrivée du numérique… l'activité des agences de communication santé évolue rapidement. « La crise a fait fondre les budgets, qui sont passés en moyenne de 300 000 à 50 000 euros. Mais surtout, les exigences des clients sont les mêmes malgré cette baisse notable », estime Denis Granger, directeur d'Axense, qui réclame, à l'instar de la délégation santé de l'AACC, une vraie charte déontologique pour les annonceurs. « Les laboratoires ont rajeuni leurs effectifs. Aujourd'hui, ce sont les agences qui possèdent l'expertise. Nous sommes la mémoire des marques et cette valeur ajoutée a un coût », renchérit Alain Sivan, président de TBWA WorldHealth France et vice-président de l'AACC Santé.
La cause de cette chute des budgets, c'est la fin de l'ère des « blockbusters » lancés mondialement à grand renfort de publicité. « La crise qui affecte les laboratoires n'est pas conjoncturelle, elle dure depuis cinq ans. On est passé des médicaments à haute valeur ajoutée et à forte diffusion à des produits de niche », analyse Alain Sivan. Toucher plus de cibles avec moins de moyens : une équation difficile à résoudre pour les agences santé, qui s'orientent vers d'autres pistes.
« Avec la rationalisation des dépenses des laboratoires, il faut optimiser la qualité des contacts et passer du marketing produit au marketing relationnel », estime Carole Wasserman, directrice générale du groupe Boz (Publicis), qui rassemble plusieurs métiers : études de marché, relations publiques, numérique avec Melody Healthcare et «medical education» (formation continue des médecins). Même constat pour André Darmon, directeur général de Strategik & Numerik : « Parallèlement à la visite médicale qui reste le média prioritaire, le marketing direct par voie postale, numérique ou sur mobile est une alternative.»
Les nouveaux outils tendance
E-learning et e-detailing (visite médicale virtuelle) sont les nouveaux outils de communication tendance, en particulier à destination des pharmaciens, une cible encore peu exploitée qui prend de l'importance avec le développement des OTC. « Le numérique a pris, à juste titre, une place prépondérante : de l'e-detailing à la relation client en passant par les sites Web, la formation à distance et les actions de veille sur les réseaux sociaux. Tous ces outils sont autant d'opportunités pour les agences au fait de ces évolutions », estime Michel Nakache, PDG d'Euro RSCG Life. Strategik & Numerik développe des widgets depuis plusieurs années, ces derniers sont présents sur l'ordinateur du médecin qui a ainsi la marque sous les yeux en permanence. Mais les médecins peinent à passer au Net haut débit. La Cour des comptes vient d'ailleurs de proposer de taxer les professionnels qui n'utilisent pas les réseaux pour envoyer les feuilles de maladie dématérialisées.
Autre piste empruntée par les agences santé : le « market access », concept fourre-tout issu du monde anglo-saxon. « C'est juste un mot à la mode derrière lequel se cachent beaucoup de choses, comme en son temps le "medical education" », analyse Michel Nakache. Il s'agit en fait de préparer le plus efficacement possible la mise sur le marché d'un médicament, en effectuant au préalable des études cliniques pour évaluer la valeur ajoutée du produit et négocier un prix de vente avantageux avec les autorités. Axense propose même de créer une « e-reputation » pour les laboratoires désireux de lancer un produit de niche sur des marchés inexploités, comme les pays émergents. Conclusion du PDG d'Euro RSCG Life : « Seules les agences qui peuvent répondre à toutes les problématiques, des plus médicales aux plus grand public, seront celles de demain. »