Tous casés. Pour la promotion 2009 du Centre de formation des journalistes, «il s'est passé une chose intéressante, remarque Christophe Deloire, directeur de l'école, 80 % d'entre eux ont trouvé un premier CDD dans un journal papier.» Trois étudiants se retrouvent au Journal du dimanche, deux à La Croix, un au Figaro, et «seulement deux sur le Web, à Bakchich Info et Bibliobs. L'un de nos étudiants a décroché un CDI à Books.»
L'an passé, la moitié des étudiants avaient été recrutés sur le Web. Alors que l'on disait que la presse écrite n'embauchait plus… «Les rédactions ont besoin de sang neuf», estime Christophe Deloire. Pour autant, les apprentis journalistes qui choisissent la spécialisation presse écrite ont une formation beaucoup plus polyvalente qu'autrefois.
«On demande aux futurs journalistes de presse écrite de savoir tourner avec une caméra numérique, de la même manière que l'on demande de plus en plus aux JRI [journalistes reporters d'image] de savoir faire des plateaux, explique Christophe Deloire. On va plus loin dans le traitement instantané de l'information et, dans le même temps, on va plus loin dans le traitement magazine, avec des narrations longues, presque au bord de ce qui se pratique dans l'édition.» Histoire de donner toutes les chances aux jeunes fraîchement émoulus des écoles, dans un marché de plus en plus protéiforme. «On constate l'apparition de postes nouveaux, comme les gestionnaires de communautés, qui n'existait pas il y a cinq ans», remarque encore le directeur du CFJ.
Si les jeunes diplômés sont bienvenus dans les rédactions, la réalité est moins rose pour les journalistes plus chevronnés. Les guichets départ dans les rédactions n'ont pas vraiment créé d'appel d'air. «Le principal mouvement serait plutôt vers le chômage et/ou la sortie de la profession», lâche Éric Marquis, journaliste à L'Express et président de la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels.
La mutation est en marche
Quid des nouveaux métiers, comme les fameux «community managers» ou autres «chef d'édition Web» [lire aussi page xx] ? «Ceux liés au Web ressemblent beaucoup aux métiers du papier, constate Éric Marquis. Ainsi, la fonction de Web éditeur ressemble beaucoup au secrétariat de rédaction. De plus, les nouveaux postes liés aux nouvelles technologies ne remplaceront pas les emplois perdus dans la profession.» Le Web ne fait pas encore figure d'Eldorado pour les journalistes : «Le problème du Web, c'est que les éditeurs n'ont pas encore trouvé de modèle économique. Les recrutements se font à moindre coût, et à la Commission de la carte, nous estimons que le journalisme doit rester une profession dont on peut vivre, pas un hobby.»
Jean-Marie Charon, sociologue des médias, prépare un livre à propos du journalisme sur Internet. Il remarque l'apparition d'une forme de journalisme «assis, posté, où l'on ne passe même plus de coup de téléphone et où l'on travaille en brigade, 18 heures par jour, avec des équipes qui se succèdent.» Une nouvelle manière de travailler qui est, selon le chercheur, «un passage obligé dans un modèle qui repose sur la publicité et l'audience, où l'on écrit, avec en tête les critères de l'algorithme et l'importance du référencement».
La mutation est en marche, et sur le marché de l'emploi du journalisme, il est «désormais indispensable de capter des images, de récupérer du son. Sur un événement donné, il est impératif de saisir ce qui sera le plus pertinent sur le papier, sur le Web ou en vidéo, avec un bon sens du timing.»
Les jeunes recrues sont-elles plus armées que les journalistes «vieille école» ? Pas forcément : «Dans les rédactions, il existe de gros programmes de formation, qui visent le maximum de journalistes, remarque Jean-Marie Charon. On remarque d'ailleurs que les blogueurs, les “community managers” ou autres chefs d'édition Web sont souvent des journalistes très aguerris.» C'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe…