La popularisation à l’international des bandes dessinées et et animés japonais incite les marques à créer des collaborations avec des héros tout droit sortis de cet univers.
Qu'on soit consommateur ou non de manga et d’animé japonais, on ne peut que constater la multiplication des collaborations que les marques proposent. Du 17 au 28 janvier, Picard a consacré sa dernière campagne «Vivez l’Asie» autour de l’univers des bandes dessinées japonaises avec l’agence Score DDB. Chaque année, la marque consacre la deuxième quinzaine de janvier à son opération phare sur l’Asie, et cette fois, la marque et l'agence ont choisi de mettre en avant la culture du manga : « On a constaté que la food était très présente et bien représentée que ce soit dans la cuisine japonaise ou dans les cuisines occidentales. Même s’il s’agit d’illustration, il y a quelque chose de très gourmand », explique Gwenaëlle Paupardin, directrice de création adjointe.
Pendant quasiment six mois, Picard et score DDB ont travaillé main dans la main pour en arriver à ce résultat, précise Rémy Pourriau, directeur de création adjoint : « Il y a différents styles dans le manga et l’animé, on pensait que nos clients allaient se diriger davantage vers des références tel que le Studio Ghibli, mais ce n’était pas le cas. C’est pour cela qu’on s’est dirigé sur un type de manga plus particulier. » Pour Emmanuelle Bach-Donnard, directrice marque, digital et expérience client chez Picard, cette opération a porté ses fruits dès lors qu’elle a pu « ramener des consommateurs qui n’étaient pas forcément entrés dans les magasins de l’enseigne » et que « le succès du manga en général s’est traduit qualitativement avec cette campagne », complète-t-elle.
Le diable s’habille en manga
Outre le foodporn japonais [lire ci-dessous] pris comme référence dans la campagne Picard, une tendance se dessine avec des collaborations entre les marques de luxe et les animés nippons. Le mois dernier, la maison espagnole Loewe a révélé pour la deuxième année consécutive une capsule dédiée à une œuvre du Studio Ghibli, d’abord Mon voisin Totoro et cette année Le voyage de Chihiro. Du sac au vêtement, ces collections reprennent des personnages ou des références pour les intégrer au produit, créant ainsi des accessoires customisés et uniques que les clients peuvent se procurer.
Dans la continuité de ces collaborations, la maison italienne Gucci s’était associée en 2013 à Hirohiko Araki, auteur de Jojo’s Bizarre Adventure, en créant des vitrines mettant en scène les personnages de la saga. La marque réitère l’expérience en 2020 avec Eiichiro Oda, père de One Piece, en dévoilant un look book publié dans le magazine Elle Men China, les héros Luffy et Roronoa Zoro devenant égéries de la collection “Fake/Not”.
Pour Fabien Tillon, auteur des livres Les Mangas (2005) et Culture manga : introduction (2006), il était temps que le manga soit reconnu autrement qu’un « phénomène de pop culture », et qu'il puisse aussi être utilisé pour « donner un coup de jeune aux institutions ». Si « la popularisation du manga s’est faite en plusieurs étapes, son utilisation via la publicité remonte au 18e et au 19e siècle au Japon, puisque les marques communiquaient dans la rue sous forme de bande dessinée. On cherche une manière universelle de dire les choses avec la simplicité du trait. Le manga a ses propres codes, il y a peu de décors et des personnages très expressifs, l'œuvre n’utilise pas les mêmes procédés que dans une bande dessinée française ou belge », précise l’auteur.
Côté consommateur, Charles Poussot, journaliste et créateur du compte TikTok sharu__ltam consacré aux mangas et aux animés japonais, est un féru des collaborations avec les marques : « J’adore les coques Rhinoshield, ils ont une réelle connaissance de l’animé en proposant des visuels intéressants. Ils ne mettent pas un personnage juste pour faire joli. Toutefois, cela fait plaisir de voir que le secteur du luxe s’intéresse à l’animation japonaise, même si j’ai l’impression de voir plus souvent des collaborations avec des œuvres du Studio Ghibli, qui est forcément plus populaire que les mangas. Je veux simplement que les marques respectent les œuvres en ne détournant pas le sens, ni les traits. » Et si One Piece est la bande dessinée la plus vendue au monde avec près de 500 millions de ventes, les œuvres franco-belges Astérix et Lucky Luke se maintiennent dans le top 5 mondial avec plus de 300 millions d’exemplaires vendus.
Idées de menu
L’une des caractéristiques propres à l’univers du manga est la multiplicité des intrigues sur un même thème, et le foodporn japonais en fait partie : Food Wars ! Shokugeki no Soma, Koufuku Graffiti, Chocolat no Mahou, etc. ont un point commun : celui de mettre la nourriture au cœur de leur histoire. Le plus parlant est Food Wars ! qui suit le personnage de Sôma Yukihira rêvant de devenir chef cuisinier dans le restaurant familial, et ainsi surpasser les talents culinaires de son père. L’animé offre des dessins de nourriture à faire saliver les spectateurs avec des scènes exagérées, allant jusqu’à mettre en avant le concept de l’orgasme culinaire. N’importe qui, fan d’animé ou non, peut difficilement contester le caractère appétissant de ces dessins. Cette tendance s’exporte au-delà des animés et des mangas pour s’inscrire dans la vie réelle : des livres, des vidéos YouTube sont consacrés à des recettes issues de ces histoires. On y retrouve par exemple « Le Katsudon de Deku (My Hero Academia) » posté par la chaîne Whole Cake Island, ou encore « Food Wars : On reproduit le steak magique façon Chaliapin de Gastronogeek », deux vidéos consacrées aux recettes d’animés et qui comptabilisent plus de 200 000 vues chacune. Côté livres, ces deux dernières années sont sortis La cuisine des anime - Mangez comme vos héros de Diana Ault, et Les Recettes des films du Studio Ghibli par Minh-Tri Vo et Claire-France Thévenon. Et si vous voulez vous imprégner au maximum de la culture japonaise, vous ne direz plus « bon appétit » mais « itadakimasu » !