Article paru dans Stratégies en 2011 lorsque Laurence Bloch était directrice adjointe de France Inter.
Cela fera bientôt un an que Laurence Bloch, cinquante-huit ans, a quitté France Culture pour mettre de l'ordre à France Inter. Directrice adjointe et responsable de l'antenne, elle y a pour mission d'apporter son expérience de femme de radio, «d'accompagner une direction avec un projet éditorial fort, mais ne connaissant pas l'outil», résume-t-elle.
Autrement dit, il s'agit de jouer la «femme-bouclier» aux côtés ou plutôt devant Philippe Val, alors que le navire France Inter tangue, au printemps 2010, marqué par les licenciements de Stéphane Guillon et de Didier Porte, avant les départs inattendus de Nicolas Demorand et d'Yves Calvi.
Depuis ses premières piges avec son Nagra, elle adore le son, la radio en direct, «une inquiétude qui n'existe pas avec l'enregistrement et donne des clés pour le présent». Après une licence de droit et Sciences Po, elle entre en 1985 comme journaliste à France Culture, aux matinales de Claude Dupont. Elle apprend sur le tas, devient correspondante en Afrique pendant deux ans. En 1987, elle se voit confier une émission, Pays d'ici, premier poste à responsabilités: «J'encadrais cinq femmes, pour une émission diffusée en direct d'une région pendant quatre jours», se souvient-elle. Deux ans après, elle est catapultée directrice adjointe de France Culture. «J'ai eu une carrière linéaire, parallèlement à France Culture qui est devenue une vraie chaîne de radio, multimédia, qui a grappillé des points d'audience.»
La fin du micro pour devenir manager n'a rien d'une cassure. Elle garde les mains dans le cambouis: «Gérer la grille des programmes, c'est comme être un metteur en scène avec une troupe.» Même à la direction des programmes, elle a pour priorité l'antenne, le planning. Femme de l'ombre aux côtés de Laure Adler, puis de Bruno Patino, à la direction de France Culture, elle passe du temps dans les studios, où elle écoute de près les émissions, voit les producteurs. «Elle a beaucoup contribué à la rénovation de la grille de France Culture, même si Laure Adler a tiré la couverture à elle», souligne Anne-Marie Gustave, chef du service radio à Télérama.
Influence dans les programmes
À France Inter, la porte de Laurence Bloch reste ouverte. «Je suis très présente, assez autoritaire, j'essaie d'être à l'écoute même si je n'hésite pas à avoir le “final cut”. C'est une maison où on a besoin de gens qui tiennent la barre.» Une dame de fer sans gant de velours? «Elle sait ce qu'elle veut et peut être très ferme», avance un journaliste de Radio France. «Elle est parfois sans états d'âme et a un sens aigu du rapport de forces. Il y a une vraie trouille chez les producteurs de France Inter», souligne, sans fard, Jean-Paul Quennesson, délégué syndical SUD à Radio France.
Mais le masque s'avère parfois indispensable. «Étrangère à tout copinage ou laissez-faire éditorial», elle «doit être opiniâtre pour se protéger à un poste de direction, dans une maison parfois machiste», souligne son ami de vingt ans Marc Voinchet, à la tête des matinales de France Culture.
Discrètement, elle sort de l'ombre, fait sentir son influence dans les programmes, «avec de bonnes idées, comme l'émission d'archives Partir avec, programmée le soir», souligne Anne-Marie Gustave. Ses cheveux frisés et sa grosse bague rubis trahissent seulement parfois qu'elle ne se prend pas au sérieux.
Son parcours en bref
1980. Entrée à France Culture.
1985-1987. Correspondante en Afrique australe pour RFI et La Croix.
1987. Productrice de l'émission Les Pays d'ici sur France Culture.
1989. Directrice adjointe de France Culture.
Mai 2010. Directrice adjointe de France Inter et responsable de l'antenne.