Elle aime plus que tout marcher des heures dans Paris. Pas seulement parce qu'elle éprouve un amour jamais démenti pour la capitale. «Cela me vide le cerveau», explique Valérie Toranian. Mais le répit est toujours de courte durée. «C'est très difficile de débrancher, reconnaît la directrice de la rédaction de l'hebdomadaire Elle. J'essaie de déconnecter, et hop, je repense au journal. Mais je ne m'en plains pas. C'est ma façon de faire.»
Dans le métro, elle «adore regarder ce que les femmes lisent dans Elle». Dans les aéroports, elle peut «passer 20 minutes dans les Relay à observer qui achète quoi»... «Je suis sensible à ce qui se passe en kiosques. Si une couverture ne marche pas, je n'en dors pas», avoue-t-elle.
Entrée comme pigiste pour la rubrique beauté en 1983, Valérie Toranian devient rédactrice en chef beauté et rédactrice en chef adjointe mode en 1996. Elle se souvient encore avec acuité de ce soir de 1998 où lui fut proposée la rédaction en chef du titre. «Je mangeais de la soupe… J'en ai lâché ma cuillère, se remémore-t-elle. Je me suis dit: “Mon Dieu! Vais-je y arriver?”Cette question, peut-être que je me la pose toujours.»
Je doute, donc je suis? «Valérie est dans une remise en question permanente. Mais ce n'est pas un doute inhibiteur, estime Bruno Lesouëf, directeur général des publications de la presse magazine France de Lagardère Active. Ce n'est pas quelqu'un de satisfait, d'assis sur son succès. C'est même tout le contraire.» Cette idée que rien n'est jamais acquis, elle essaie de la transmettre à ses équipes. «Ensemble, nous nous sommes inoculé le virus!, s'amuse-t-elle. Il n'est pas rare que nous nous envoyions des SMS à 23 heures, parce que nous sommes excitées par un sujet. J'aime travailler avec des filles un peu piquées, un peu folles et passionnées. Mon boulot, c'est que Elle, ce soit du champagne.»
«Nous» plutôt que «je»
Rien à voir avec Le Diable s'habille en Prada et sa terrible rédactrice en chef inspirée d'Anna Wintour? «La rédaction est un véritable corps, une bande soudée autour de Valérie», résume Bruno Lesouëf. Aux aspirants journalistes à Elle, elle conseille «de toujours étonner la rédactrice en chef». Lorsqu'il s'agit de recruter aux côtés des plumes maison comme Sophie Fontanel et Alix Girod de l'Ain, Valérie Toranian recherche «des gens qui ont un ton, capables de sortir des sentiers battus» davantage que des plumitifs formatés. Du côté des marques, on lui reconnaît «un discours très direct et intègre», comme le remarque Valérie Hermann, PDG d'Yves Saint Laurent. «Elle a une vision très nette de ce qu'elle veut faire de Elle.»
Installée à son bureau, qui fait face à un kaléidoscope de couvertures, la directrice de la rédaction énumère ses unes favorites. «Nous sommes fiers de nos engagements auprès des femmes afghanes, des états généraux de la femme relancés en 2009, mais aussi de sujets comme "Les tops sans fards" en avril 2010, ou encore de notre opération “Elle aime la mode” lancée en janvier dernier.»
Valérie Toranian préfère dire «nous» plutôt que «je». Parler de Elle plutôt que d'elle. Elle évoque brièvement ses deux fils de 16 et 21 ans. Et rejoint fébrilement les maquettistes du magazine, qui planchent sur la prochaine une. Mille fois sur le métier…
Son parcours en bref
1983 à 1987. Journaliste pigiste pour la presse magazine féminine.
1994. Chef de service beauté de Elle.
1996. Rédactrice en chef beauté et rédactrice en chef adjointe mode.
1998. Rédactrice en chef.
2002. Directrice de la rédaction.
2007. Brand manager international de la marque Elle.