Dans le cadre de l’exposition inaugurale « Ubisoft, une Odyssée montpelliéraine », le studio Ubisoft Montpellier tisse 27 années d’histoire en délocalisant ses œuvres au pôle d’enseignement artistique de la ville, Campus Créatif, jusqu’au 7 mai.
Quel est le point commun entre les jeux vidéo Les Lapins crétins, Rayman et Beyond Good and Evil ? Ces marques-licences mondialement connues ont été développées par Ubisoft Montpellier. Pour retracer 27 années de créativité, le studio ouvre ses productions au public jusqu’au 7 mai dans l’exposition inaugurale « Ubisoft, une Odyssée montpelliéraine ». Le cadre de ce récit épique est le Campus Créatif, pôle d’enseignement artistique regroupant les écoles ESMA, ETPA, CinéCréatifs et IPESAA. Le squelette de l’exposition, c’est la frise temporelle. Une toile de 15 mètres de long à l’effigie de la jungle. Elle retrace l’histoire d’Ubisoft Montpellier de 1987 à 2019 ; 1987 marquant la date de la rencontre entre Frédéric Houde et Michel Ancel, les deux fondateurs du studio. Sur la frise, chaque date est associée à une cartographie. Des pochettes originales de jeux vidéo y sont également exposées et des téléviseurs petit format munis d’une douchette ont été encastrés pour projeter des interviews d’une quinzaine de collaborateurs d’Ubisoft Montpellier. Le visiteur apprend notamment pourquoi Peter Jackson, réalisateur de King Kong, a choisi Ubisoft Montpellier pour adapter officiellement son film en jeu vidéo.
Lorsque les initiés du gaming immergent dans l’univers d’un jeu vidéo, leurs premiers contacts se font par le graphisme et la bande-son de ce dernier. L’image occupe donc une place de choix, c’est pourquoi des croquis de personnages crayonnés ont été scannés sur la fresque. « Les entreprises du gaming n’ont pas pour habitude de se replonger dans le passé, elles traduisent plutôt des visions futuristes. Ubisoft est dans une démarche patrimoniale », soulève Laurent Michaud, directeur du développement du réseau d’écoles artistiques Icônes (ESMA, ETPA, CinéCréatifs et IPESAA, Collège Salette, IFFDEC, Marsan et Pivaut).
Une nature omniprésente
Pour soigner son patrimoine, Ubisoft Montpellier a procédé à des méthodes d’archivage, dont la numérisation. 160 œuvres dont 50 œuvres originales ont été délocalisées au Campus Créatif. « Pour moi, la matière première, c’était comme trouver un trésor pour Indiana Jones. Avec les équipes d’Ubisoft Montpellier, nous avons retrouvé dans leurs locaux des grandes caisses remplies de documents de production et de pièces. Je ne savais pas du tout sur quoi nous allions tomber », confie Jean Zeid, commissaire de l’exposition, également chroniqueur et journaliste spécialiste des secteurs des nouvelles technologies, du cinéma et des jeux vidéo. L’aménagement de la structure de l’exposition a été assuré par le scénographe Henri Rouvière, de l’agence d’architecture Arscènes. La chronologie de l’histoire du studio a été mise en place par Jean Zeid. « En épluchant ces centaines de clichés, quelque chose est apparu : la prédominance de la nature, notamment dans les productions Rayman, Les Lapins crétins jusqu’à Beyond Good and Evil. Le choix des pièces a été largement simplifié en suivant cette ligne directrice », ajoute-t-il.
En effet, en poursuivant le parcours dans l’exposition, le visiteur n’est pas seulement saisi par les figurines en résine des personnages burlesques Lapins crétins. Une immense reproduction du gorille King Kong a été placée au centre d’un décor symbolisant la jungle. Les yeux écarquillés et la bouche ouverte, le célèbre singe se fond dans des sons ambiants de la nature.
Dimension pédagogique
« Plus on avance dans le temps, plus le digital est présent dans les étapes de conception », soulève Laurent Michaud. Le croquis est remplacé par le dessin numérique et la modélisation 3D, le noir et blanc cède sa place aux couleurs. D’un module à l’autre, le constat est visuellement frappant, mais marque d’une certaine façon le passage « d’un secteur artisanal à un secteur industriel », pour le directeur du développement du réseau Icônes. La création de Rayman, l’un des personnages emblématiques d’Ubisoft Montpellier, s’inscrit dans ce contexte.
L’exposition abrite en outre un espace de jeux gaming et une salle depuis laquelle sont projetées plusieurs cinématiques, courtes séquences vidéo dans lesquelles le joueur n’a pas le contrôle de son personnage. Ubisoft Montpellier est à l’origine de 80 % des cinématiques des Triple A du groupe monde, une classification notable dans l’industrie du jeu vidéo.
En France, le marché du jeu vidéo a réalisé un chiffre d’affaires de 5,3 milliards d’euros en 2020, selon le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs. Pour Laurent Michaud, faire découvrir les divers métiers du secteur permet d’apporter de la crédibilité à une industrie aussi attrayante que décriée. « Il est important d’expliquer aux étudiants et aux parents que le jeu vidéo débute par une démarche artistique et que les métiers liés au jeu vidéo, au graphisme, à l’animation 3D ou encore à l’illustration, demandent de faire un travail préparatoire conséquent et collectif », défend-il. Chaque année, des étudiants en formation initiale au Campus Créatif rejoignent le studio Ubisoft Montpellier embauchant 440 salariés. Un enjeu d’insertion professionnelle pour continuer d’écrire l’histoire de l’un des fleurons de l’industrie du jeu vidéo en France.