#StrategiesLes15 / Marion Darrieutort
L’offensive des géants du conseil fait beaucoup parler. La rencontre entre le monde de la com et celui du conseil donnera-t-il naissance à un nouveau modèle d’agence, au confluent de la communication et du consulting ?

Septembre 2017, le monde de la communication, bronzé et reposé, semble néanmoins agité en cette nouvelle rentrée. Une note d’analyste rendue publique par Jérôme Bodin de Nexis explique que Accenture aurait la capitalisation boursière suffisante pour racheter WPP et Publicis. Il est vrai que les géants du conseil font depuis quelques mois leur marché, comme Accenture qui a racheté Karmarama et Octo. Car même si le marché du conseil promet d’afficher une croissance de 11% en 2017 (étude Syntec Consult’in), l’environnement reste très concurrentiel et poussent les acteurs à chercher de nouvelles compétences (IA, design, digital) pour accompagner leurs clients au-delà des métiers historiques. Ces marchés qui ne se croisaient jusqu’alors pas ou peu sont désormais drivés par un modèle unique : celui de la technologie et du digital. Peur passagère ou véritable frayeur des professionnels de la communication ? Ni l’une, ni l’autre répond en cœur la plupart des experts interrogés. Mais tous s’accordent à dire que ce buzz du moment a une vertu : pousser les agences de communication à s’interroger sur leur modèle d’avenir.

Agence hybride

Il est vrai que les synergies entre le conseil et la communication sont évidentes. Du côté des cabinets de conseil, on note des besoins nouveaux pour l’accompagnement en communication interne afin de prolonger des démarches de conduite du changement, la valorisation de la marque comme l’un des vecteurs de la stratégie de l’entreprise, ou encore la communication produit avec une approche fine du « time to market ». Les acteurs de la communication, quant à eux, sont désormais interrogés sur de nouveaux sujets : business hacking, réinvention de l’expérience client, approche servicielle de la marque. Le temps est-il donc venu de prendre le meilleur des deux mondes pour créer un modèle d’agence hybride, qui place la data au cœur et fait du project management la compétence la plus recherchée en agence ? C’est sans doute cette ambition qui guide le retour de certaines figures de la com’ comme Mathieu Morgenszstern ou Benoit Viala, après un passage par le consulting.

Selon Fabrice Valmier, cofondateur du Groupe VT Scan «se focaliser uniquement sur les Big Five est une erreur. Le business des agences part aussi chez Google et Facebook ». Selon lui, quel que soit l’univers concurrentiel qui se recompose, un phénomène majeur arrive sur le marché de la com : le mode projet. Et c’est plus la force des cabinets de conseil que des agences de communication. « Les cabinets rachètent des agences pour leur capacité d’idéation et de création. Les agences doivent intégrer des directions de projet plus solides, une plus forte rigueur méthodologique pour renforcer leur capacité à délivrer et concrétiser des projets », ajoute-t-il

Et l’arrivée massive de la data n’est pas étrangère à ce besoin crucial du mode projet. En effet les agences qui réussiront demain (voire aujourd’hui) sont celles qui vont aider leurs clients à produire, exploiter et conserver la data. Et celles dont l’avenir sera assuré seront celles qui sauront mettre la data au service de la création. La création d’ailleurs voit « challenger » ses frontières : depuis des années, l’idée est centrale dans le service proposé au client. Demain elle le sera encore, certes, mais une bonne idée sera jugée à l’aune de son environnement : cette idée a-t-elle la capacité d’émerger face à toutes ces data ?

Cap sur la technologie, la data et l’expérience client. Le marketing revient en force dans les agences. Et au-delà de challenger le métier, cela va challenger le modèle des agences. Le modèle agence ne sera plus la chasse gardée … des agences. D’ailleurs, ne voit-on pas des agences « en régie » se créer dans certaines grandes entreprises ? Et demain, n’assisterons-nous pas à la naissance d’agences « in situ » créées par les entreprises, pour elles-mêmes ? Les compétitions d’agences du futur opposeront-elles des agences « classiques » avec des agences « in situ » crées par ces entreprises 

Une nécessaire transformation organisationnelle et humaine

Révolution du métier. Evolution du modèle. Et par ricochet, adaptation de l’organisation. « Plus que jamais, les agences doivent s’organiser au regard des besoins de leurs clients et non pas en fonction de leurs propres compétences. Elles ne doivent plus se comparer à leurs pairs mais mettre au cœur l’expérience client », commente Emmanuelle Raveau, directrice de la communication de EY et Présidente de l’association COM-ENT. Les organisations d’agences iront vers un management très opérationnel, une absence de silo, des circuits courts, une diminution du nombre et surtout une vraie stratégie de ressources humaines, ajoute Stéphanie Pitet, associée chez Pitchville. En bref : flexibilité et agilité sont les maîtres mots. L’agence de demain sera flexible que ce soit pour ses équipes (flexi hours, work/life balance…), d’un point de vue géographique -comme le prône l’ancien CEO de Hotwire Brendon Craigie qui vient de créer Tyto PR sur un modèle innovant - ou enfin pour ses clients (business model, modèles de pricing...).

Mais penser l’agence de demain, c’est aussi évoquer les femmes et les hommes. Car l’agence de demain devra être une « good company ». Elle devra favoriser la diversité et veiller à éviter le gender gap (plus de femmes à des postes de haut leadership, égalité salariale, intégration des minorités...). Et surtout garantir le bien-être de ses collaborateurs. Les agences, comme les cabinets de conseil, doivent relever le défi de garantir l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Le débat fait rage en Angleterre comme l’explique Jennifer Attias, head of global pour The Communications Store : « Certaines études démontrent ici qu’un tiers des personnes travaillant en agence connaissent des problèmes de santé mentale. Notre agence a d’ailleurs lancé le flexible work à tous les niveaux de l’entreprise ».

Enfin le sujet de l’éthique et du purpose sera central car les agences sont des entreprises comme les autres. Ce qu’elles recommandent avec force à leurs clients, elles devront l’appliquer à elles-mêmes : un purpose pour donner du sens au travail réalisé par les collaborateurs et une éthique en s’interrogeant sur les secteurs qu’il convient de représenter ou non.

Au final, les agences n’échappent pas à la règle actuelle : l’impératif de transformation. Se transformer elles-mêmes pour mieux transformer leurs clients… voilà peut-être la grande opportunité que présente le contexte actuel pour les agences de communication.

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