Toujours bien placés au classement des champions du pessimisme, une fois n'est pas coutume, les Français vont déroger à la règle à l'occasion de la trêve des confiseurs. Selon une étude annuelle du cabinet Deloitte sur les consommateurs et Noël couvrant dix-sept pays dont la France, ils disposeront en moyenne d'un budget de 606 euros soit 1,9% d'augmentation par rapport à 2010 (sur la base d'une famille de quatre personnes). Une première depuis quatre ans.
Ce budget sera alloué en priorité aux cadeaux pour 59% des consommateurs français contre 53% en 2010. Faire un bon repas n'étant prioritaire que pour 31% d'entre eux (37% en 2010). Néanmoins, les Français restent réfractaires au crédit à la consommation. Moins d'un Français sur deux y aura recours pour payer ses dépenses de Noël, préférant puiser dans l'épargne pour financer l'augmentation de ce poste et faire des arbitrages entre les dépenses (moins de loisirs, de voyages, de vêtements, de cosmétique, etc.).
Contrairement aux autres Européens, les Français dépenseront plus à Noël avant tout pour se faire plaisir et oublier la crise (48% contre 39%). Un pied de nez aux plans de rigueur annoncés (ou un baroud d'honneur). En 2010, 54% des Français dépensaient à Noël pour se faire plaisir et oublier la crise contre seulement 36% des autres Européens.
Ceci explique peut-être que les produits plaisir et bien-être prennent les premières places des cadeaux offerts cette année. Sur le podium: les chocolats et autres sucreries, les parfums et cosmétiques et des places en spas ou pour des massages.
Malgré tout, la crise pourrait changer la donne au dernier moment. Lors de l'étude en septembre-octobre, 66% des Français disaient vouloir réviser leur budget à la baisse dans le cas d'une grave dégradation de la situation économique. Près des deux tiers des Français (65%) disent que le prix sera un critère de choix et 72% feront la chasse aux promotions et aux rabais divers. Les jouets éducatifs pour les enfants seront privilégiés par 64% et pour 80% le premier critère de choix d'un cadeau sera son utilité.
Dans cet esprit de chasse aux bonnes affaires, Internet a pris toute son utilité. Si plus de la moitié des Français continueront à faire leurs achats en magasin, plus d'un tiers d'entre eux utiliseront Internet pour chercher les meilleurs produits, comparer les tarifs et même faire une partie de leurs achats. Seize pour cent des Français feront même la totalité de leurs achats sur la Toile. Si le différentiel reste au bénéfice des grandes surfaces, c'est 3 points au-dessus de la moyenne européenne.
Des conclusions valables pour toutes les catégories de produits, exception faite de la nourriture pour laquelle les Français préfèrent s'informer et acheter directement en magasin. Si seulement 20% des Français utilisent à la fois les magasins et Internet pour s'informer sur la nourriture et rechercher les meilleurs prix, plus d'un tiers des Européens le font.
(avis d'expert)
Le chant du cygne
Stéphane Rimbeuf, associé chez Deloitte au service distribution et biens de consommation
«Le premier enseignement de cette étude est un peu surprenant: les Français prévoient d'augmenter leurs dépenses pour Noël à 606 euros en moyenne, soit 1,9% de hausse. C'est une rupture. En neuf ans, cela s'était seulement produit en 2007. On voit trois raisons à ce phénomène: ils ne ressentent pas encore les effets de la crise; ils sont moins nombreux à se considérer trop endettés (14% contre 22% en 2010) et enfin s'ils s'avèrent inquiets pour l'économie (75%), ils sont encore plus inquiets pour 2012 (les deux tiers contre un sur deux pour 2011). Ce serait un chant du cygne, un sorte de «je vais profiter de mon argent tant qu'il m'en reste». Ce sentiment est largement partagé en Europe. Si les pays du Sud sont les plus touchés car plus concernés par la crise, seuls les Allemands (53%) ont confiance dans leur économie. L'inquiétude pour l'avenir est forte dans toute l'Europe.»