On le sait, hélas, la publicité ne peut plus nous raconter des histoires. À force d'être sollicité, le consommateur a fini par acquérir une culture et une distance par rapport à ses messages. En lui donnant la parole et le pouvoir, le Net renforce de façon spectaculaire cette tendance, jusqu'à renverser les rôles: le public se transforme en acteur et la marque devient parfois l'arroseur arrosé.
Elle évolue sur le terrain miné de l'objectivité, face à une information disponible à tous, où chaque proposition peut être évaluée, estimée, comparée. Qui réserve encore une chambre d'hôtel sans passer par Trip Advisor ou consorts? Le «Gringo» de Jacques Vabre serait-il crédible s'il revenait aujourd'hui, sans fournir aux internautes les moyens de tracer ses circuits d'approvisionnement en café? Quand on sait que près d'un internaute sur deux utilise les médias sociaux pour s'exprimer sur une marque (source Emarketer.com, 2009) et que plus de neuf acheteurs en ligne sur dix se déclarent influencés par les avis de consommateurs (source JCWG.com, 2009), on comprend mieux l'enjeu de ce renversement du rapport de forces. Loin de l'anarchisme de ses débuts, Internet est devenu une tribune, une parole organisée, une voix réelle et puissante, un contre-pouvoir qu'aucune marque ne peut plus se permettre d'ignorer ou de minimiser: face aux annonces alléchantes, tout consommateur est un saint Thomas qui ne croit que ce qu'il voit.
Quel que soit le média par lequel la marque communique, elle a aujourd'hui intérêt à dire la vérité, rien que la vérité et toute la vérité, et de fonder sur cette vérité sa relation au client. Si elle ne se préoccupe pas de la réception de ses messages, elle finira assommée par le retour de boomerang de ses boniments et de ses infidélités. Comme Gap récemment, condamné par les internautes pour haute trahison suite à son rebranding raté, ou Nestlé, mis au pilori pour l'utilisation d'huile de palme dans ses Kit Kat alors que le groupe se prétend engagé dans une démarche de «manger bien pour vivre mieux».
Redonner la foi
Cependant, se retrouver ainsi mise à nu, sous les feux un peu trop crus des projecteurs, a aussi des avantages. La marque ferait bien de profiter de l'opportunité qui lui est ainsi offerte de tisser des liens nouveaux avec ses publics. Grâce à cette nouvelle Web-réalité, elle peut aujourd'hui se payer le luxe de prendre le temps de s'installer, d'expliquer et de rentrer dans les détails pour convaincre. C'est ce que fait Weight Watchers, par exemple, face aux solutions miracles des derniers gourous du régime amaigrissant. C'est en apportant à son consommateur une écoute, un service, une valeur ajoutée perçue comme telle qu'elle lui redonne la foi et l'entraîne à «croire» en elle, sans remettre en doute sa parole à la première occasion.
Mieux encore, la marque peut continuer à raconter des histoires, mais des histoires vraies cette fois. Elle fait la différence sur les nouveaux territoires de communication du vrai, du juste, parfois même de l'aveu. La vérité s'impose en argument de campagne et c'est une toute nouvelle façon de toucher les gens qui se profile à l'horizon, avec son lot de questions inédites: Quid de l'envie d'y croire? Sommes-nous prêts à sacrifier le désir sur l'autel de la vérité? Achèterions-nous un produit qui se revendique plus vrai, quitte à être moins bon? Mais ça, c'est une autre histoire…