Lors de plusieurs rendez-vous ou tables rondes auxquels j’ai participé depuis quelques années, j’ai été confronté à la même situation et à la même idée: «Cette identité de marque n’est pas flat design, donc elle est ratée ou has-been…» Cela peut déclencher une irruption d’urticaire concernant notre métier de concepteur de design de marque. Une réaction violente au sujet d’une création.

 

Le mot en cause est «flat design». En soi, il ne dérange pas. Porté aux nues comme une religion, un courant indispensable à l’expression graphique, au point que tout dérapage devient ringard ou, pire, «un crime graphique» pour certains, c’est fatigant… L’expression artistique a toujours été source de polémique: les classiques ont critiqué les impressionnistes, qui eux-mêmes ont critiqué les cubistes, etc. C’est le rôle des critiques d’art que de critiquer. Mais, nous, designers de marques, sommes-nous rémunérés pour faire des œuvres d’art ou pour créer des marques «justes», dont le design remplit sa fonction de manière performante?

 

Mon maitre de design l’avait compris. Pierre Paulin avait cette humilité de dire qu’il était «un artisan du design au service des entreprises et des gens». Comme lui, j’ai toujours mal supporté que des designers imposent un même style à toutes les marques qu’ils créent. Notre métier, par chance, a une palette de styles d’expression infinie. Si toutes les marques étaient traitées dans le même style, cela voudrait dire que toutes se ressemblent, et c’est justement le «boulot» d’une marque que de se différencier. Vouloir lisser l’expression des marques en édictant la suprématie du flat design est une bêtise!

 

Ces guerres sont des histoires de designers. Il faut comprendre que l’on ne travaille pas pour nous, les designers, mais pour des clients, en général. Le design de marque est un métier au service des autres. […] Le talent ne dépend pas du style. Il y a de magnifiques logos traités en flat design et d’autres, fantastiques, en volume, en illustration ou en peinture. Regardez Caixa Bank, par exemple, qui s’inspire d’une toile de Miro. D’ailleurs, il faut savoir qu’à l’époque des grands designers de marques suisses allémaniques, comme Jean Widmer (auteur, entre autres, du très beau logo du centre Georges-Pompidou), on traitait tout en flat design. Aucun moyen technique ne permettait de faire autrement.

 

Notre métier, par chance, évolue. Et va au-delà des tendances du moment. Ce qui peut sembler heureux, parce qu’on crée des marques pour au moins vingt ans. Les goûts et les couleurs évoluent en vingt ans! Il faut innover et créer des univers de marque justes et beaux à la fois. C’est notre métier. Nous somes payés pour le faire bien, mais pas dans un carcan idéologique et étroit d’esprit. Vive la diversité, la beauté, l’inspiration, le brand design! On est là pour avancer, pas pour s’enfermer.

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