En seulement quelques jours, la vuvuzela, cette trompette utilisée par les supporters sud-africains durant la Coupe du monde, a réussi à se mettre le reste de la planète à dos. Dans les stades sud-africains, des dizaines de milliers de spectateurs s'époumonent durant 90 minutes à souffler dans cette corne en plastique négociée quelques euros.
Sur Internet se lève un front anti-vuvuzela, dont le nom viendrait du zoulou «faire du bruit», et dont le genre, en français, est indéfini. En tout cas, que ce soit «le» ou «la», cet instrument produit un son qui dépasse, selon les experts, les 120 décibels, soit bien plus qu'une tronçonneuse (90-100 dB), à 10 décibels du seuil de douleur (130 dB).
Dans les stades, les chants et les encouragements des supporters sont couverts par ce bruit, insupportable à la longue. Ainsi, au Cap, les bouchons d'oreilles sont en rupture de stock, rapporte un quotidien local. Sur le terrain, ce son gêne les joueurs tandis qu'à la télévision, il donne l'effet d'un bourdonnement incessant, incommodant journalistes et téléspectateurs.
Le problème avait été anticipé (lire Stratégies n°1551 du 25 juin 2009), mais pas suffisamment. TF1 a dû équiper en urgence ses commentateurs des mêmes micros directionnels que ceux utilisés par leurs confrères en Formule 1.
L'exaspération inonde la Toile. Sur rmc.fr, 47% des 2 300 votants réclament l'interdiction des vuvuzelas. Le taux s'élève à 85% sur tf1.fr (3 600 votes). Sur Facebook, la page «Fifa, Ban the annoying vuvuzela (horn) from the South Africa World Cup!» réunit 182 500 fans.
Une autre page, française celle-là («Si tu continues avec ton vuvuzela, il va finir dans ton c**») compte près de 126 000 membres. Toutefois, même si plus de 500 pages sont consacrées au phénomène, cela reste sur le terrain de l'humour. La vuvuzela ne fera pas descendre les foules dans la rue.
Sur les sites de sport, les avis sont plus nuancés. De nombreux contributeurs sont indisposés par le bruit, comme pja56 sur francefootball.fr: «Une horreur cette trompette, insupportable!» D'autres indiquent avoir baissé le son de leur télé: «Les vuvuzelas, à côté des commentaires de Lebœuf, c'est une petite musique de nuit!», plaisante Anaximandre.
Mais les défenseurs de la trompette s'expriment aussi, au nom d'une «tradition locale». «Vous n'avez qu'à jouer au foot dans votre salon, vous ne serez pas embêtés! Je ne comprends pas comment des gens peuvent se permettent de critiquer la culture d'un pays!», estime ainsi Adrien sur rmc.fr. Il y a même ceux qui cherchent à se procurer l'instrument. Ils peuvent se retourner vers l'application Iphone «Virtual vuvuzela» qui imite le son de la trompette sur le téléphone.
Déjà diffusée à plus d'un million d'exemplaires, la vuvuzela, dont le coût de fabrication ne dépasse pas quelques centimes d'euros, pourrait envahir les stades européens. Une menace pour les organisateurs. La Fifa réfléchit à son interdiction sous divers prétextes (lire ci-dessous), comme c'est déjà le cas, en Afrique du Sud, pour les matchs de rugby.
Quant aux marques, elles vont aussi se saisir de cet objet culte. Des sponsors réfléchiraient à en proposer, dès juillet, aux spectateurs du Tour de France. Nos (fragiles) oreilles vont devoir se préparer.
Parole d'expert
«La Fifa envisage une interdiction»
Christian Jeanpierre est le commentateur du football sur TF1
«Dans les stades, le son des vuvuzelas est proprement insupportable. Ce bruit de fond pollue la rencontre et empêche de s'entendre convenablement entre commentateurs. Et on ne peut rien faire. C'est surréaliste: même les supporters anglais se mettent à souffler dedans! Les joueurs se plaignent de ne pas entendre leurs coéquipiers. On nous dit que cela fait partie du folklore, mais c'est une bêtise. Ce phénomène est très récent. Il faudrait interdire la vuvuzela dans les stades. La Fifa envisage une porte de sortie correcte d'ici la fin de la Coupe du monde, simplement parce qu'on n'entend plus les consignes de sécurité.»
