Il y a quelques semaines, avec Édouard Rencker, nous lancions No More Blues, un appel anti-morosité invitant les musiciens jazz de la communication à participer dimanche 9 janvier à des auditions en vue de deux concerts au Sunset Sunside les 8 et 9 mars prochain, parrainés par Stratégies. Le jour de l’audition, covid aidant, nous craignions Édouard et moi de devoir nous contenter d’un quatre-mains, certes sympathique, mais un peu trop bluesy.
Heureusement, à l’heure dite, avons-nous vu arriver, un à un, des confrères, musicos de la com. C’est exactement ce que nous espérions en secret : que derrière les titres connus du métier – dir com, chef de projet, dir cli, DC, DA, consultants (interdits de cité au Sunside) – se cachent une multitude de talents méconnus.
Pour tous ces No More Blues, au regard aussi étincelant que le cuivre de leur sax, il y avait bien de la com, mais « y’avait aut’chose »…Chacun avait visiblement suivi le conseil de Montaigne : « Il se faut réserver une arrière-boutique toute nôtre, toute franche, en laquelle nous établissons notre vraie liberté et principale retraite et solitude. »
Vibration positive
De plus en plus d’entreprises encouragent les activités artistiques de leurs collaborateurs… La Société Générale est à ce titre exemplaire. Il faut avoir assisté au « Playing Philarmonie de Paris » pour mesurer les fruits d’une telle politique : dynamique incroyable, écoute mutuelle, respect, musicalité, engagement et rigueur… En écoutant les groupes présents au Sunside, Édouard et moi avons ressenti cette même vibration positive.
À la Philarmonie comme au Sunside, le public s’est posé les mêmes questions : « Comment font-ils ? Comment trouvent-ils le temps ? À part ça, ont-ils (vraiment) un job ? » Questions légitimes dans un environnement professionnel hypnotisé par le « let’s focus ». L’heure est à l’expertise et à elle seule ! Le « side business » est traqué ! Travailler ou s’évader, il faut choisir ! Pas étonnant que l’entreprise soit en quête de sens quand les collaborateurs n’ont d’autres choix que de garder le nord sec et froid de l’efficacité, sans avoir une minute de temps disponible pour explorer les autres directions de la boussole.
À un moment où le rationnel et la data rôdent sur les métiers de la communication, il nous faut veiller à en préserver les valeurs et la spécificité : la curiosité, l’amour des arts et des artistes, la porosité entre centres d’intérêt perso et vie pro. Ne nous est-il pas tous arrivé de rentrer d’un déjeuner client en disant à des équipes impatientes : « on n’a pas parlé boulot, on a parlé d’autre chose » ? Si les créatifs et consultants savaient combien partager avec confiance et générosité cet autre-chose permet d’élargir et de développer une relation ! La valeur professionnelle ne se résumera jamais dans nos métiers, à la seule expertise. Il faudra toujours y ajouter un – à part ça – personnel, riche et alimenté. Oh bien sûr, cela peut être l’affaire d’une vie. Mais les clients et partenaires ne sont pas pressés. Et ils seront toujours plus touchés par l’élargissement d’une sensibilité, d’un cœur ou d’une âme, que de la progression d’un KPI.
Veillons à ce que nos organisations encouragent tous les ET personnels possibles : apprendre un jouer d’un instrument, visiter des expositions, faire de la photo, dévorer des livres, se mettre à la peinture ou s’engager dans une association… Ces chemins de traverse sont partie intégrante de notre fonction communicante et devraient figurer en bonne place des entretiens annuels (c’est la période).
Les 8 et 9 mars prochains, venez encourager les talents de No More Blues au Sunside qui fête cette année, ses 40 ans de jazz à Paris. Vous ne risquez pas de vous y perdre, quand vous rentrez, avancez tout droit, laissez le bar sur votre gauche et vous y êtes. La scène est éclairée, le concert se déroule là… au fond de l’arrière-boutique !