Le tabou a longtemps été porté par les marques. C’est à elles, aujourd’hui, de s’emparer de ces sujets complexes et de passer du « brand purpose »… à la « brand cause ».
Sexe, religion, argent, mort… Autant de sujets que l’on a envie d’éviter. Est-ce là la définition d’un tabou ? Regardons le dictionnaire : « Qu’il serait malséant d’évoquer, en vertu des convenances religieuses, sociales ou morales ». Le tabou dérange, vit dans le secret. Le tabou diffère des sociétés, des générations, des cultures. Dans nos sociétés, où la conscience des enjeux environnementaux et sociaux est extrêmement forte, où 75 % des Français estiment qu’il est du rôle des entreprises de s’engager dans une cause (1), comment les marques peuvent-elles encore améliorer nos vies et participer à lever des tabous avec pertinence ?
Qui pour parler avec ses grands-parents de relations sexuelles ? Ces dernières années, les marques se sont placées comme médiatrices. La marque Jem utilise des bonbons à partager comme starters de conversation entre petits-enfants et grands-parents au sujet de la prévention des maladies sexuellement transmissibles, en plein boom chez les plus de 65 ans. Lelo, une marque de sextoys, libère la parole sur le plaisir et la masturbation et s’affiche dans des sphères grand public comme le métro hongkongais pour lancer la discussion dans la société.
La vérité est enfin bonne à dire. Le tabou a longtemps été porté par les marques elles-mêmes. Elles ont longtemps participé à cacher la vérité, en dessinant des mondes fictifs, où le sang était bleu. Pour Bodyform, la campagne « Never just a period » met à jour la réalité vécue par les personnes menstruées avec une grande vérité. D’autres marques osent montrer une réalité froide : ainsi Gallia expose les parents fatigués et leur tend la main dans sa campagne « Et toi, comment ça va ? » pour évoquer la dépression post-partum.
Les marques adoptent des postures éducatives pour apporter du savoir. Là encore, les marques d’hygiène menstruelles cherchent aujourd’hui à faire connaître les règles et leurs impacts sur la vie des gens. En créant un dictionnaire de la douleur, Nana donne des clefs de compréhension à toutes et tous. En Inde, Stayfree éduque les pères et les personnes non menstruées pour leur faire comprendre que les règles ne sont pas un « problème de filles ». Un savoir nécessaire pour réduire le silence.
Faire de la transparence un levier de fin de tabous. En France, l’argent reste un tabou. S’il est aujourd’hui synonyme d’épanouissement pour 68 % des sondés, 30 % des Français continuent à l’assimiler à de « l’immoralité » (2). Pour faire évoluer les pensées, les marques optent pour la transparence. Chez Buffer, agrégateur de réseaux sociaux, les salaires de chaque employé sont nominativement disponibles sur le site. Autre exemple, La Nef, banque éthique, présente à ses clients l’ensemble des prêts fournis et leurs montants. Une transparence qui détonne pour un sujet moins tabou mais toujours clivant.
Alors, enfin la fin des tabous ? Non et c’est tant mieux. On imagine le potentiel chaos d’une société où tous les sujets se valent. Il reste intéressant de voir que la fin d’un tabou est parfois le début d’un autre, la prise de conscience, une activité continue, et la gestion d’un tabou, une discipline exigeante pour éviter toute généralisation et banalisation.
Au-delà des tabous en eux-mêmes, c’est bien d’engagement de marque dont il s’agit. Si elles se positionnent de plus en plus comme de véritables actrices de la société et réinventent des formes de militantisme, beaucoup hésitent encore à prendre position de peur de backlash ou de socialwashing. Ce sujet de l’engagement devient un sujet marketing essentiel et les marques doivent aujourd’hui passer du brand purpose à la brand cause, pour apporter de véritables solutions à nos sociétés, et, peut-être, lever des tabous.
(1) Source BVA xsight mars 2024
(2) Ifop pour Le Point, 2023