Comme il le faisait il y a quelques années au sujet de la relocalisation des tournages, le secteur de la communication doit se saisir de toute urgence de la question de l'impact environnemental de l'IA.

Il y a quelques années, la presse spécialisée et les influenceurs du monde de la communication enjoignaient les agences à devenir plus responsables. Il était alors important de signer des chartes, d’obtenir des labels, de prendre des engagements pour que nos métiers deviennent plus respectueux de l’environnement.

Dans le collimateur des commentateurs du milieu, c’était surtout les agences et studios de production audiovisuelle qui étaient visés. Alors que le métier n’a jamais caché un certain goût du bling-bling, il devenait impensable de mobiliser une équipe entière – acteurs, image, son, chefs de projet mais aussi direction et client, parce que bon, voilà – pour trois jours de tournage en Argentine ou en Afrique du Sud, assez souvent dans des décors que l’on aurait pu trouver à l’identique en Auvergne ou quelque part en Europe. Et tout ça, pour un spot publicitaire de 30 secondes diffusé après le journal de 20h de TF1 puis, amputé de dix secondes, pendant trois semaines sur différentes chaînes de la TNT.

Les studios se sont engagés à être plus raisonnables, plus écologiques, plus économes également. À tourner plus local. C’était il y a longtemps déjà.

Depuis, le monde de la création publicitaire a trouvé un nouveau moyen d’économiser sur ses frais de déplacement. L’intelligence artificielle est passée par là. D’un simple prompt, ou avec quelques manipulations basiques, on peut désormais emmener le consommateur au Cap ou à Rio, dans le désert ou sous le soleil californien. Plus besoin de déplacer une équipe et du matériel, l’ordinateur s’occupe de tout. Et si les risques sociaux – l’obsolescence d’une partie de la profession, remplacée par des algorithmes, surtout chez les freelances – semblent bien réels, ils sont pour l’instant niés par une large partie de la profession qui parle d’outils et d’adaptation nécessaire. Un discours rassurant, responsable, qui accompagne depuis longtemps toute innovation technologique.

Impact moins visible

La question écologique, elle, semble avoir un peu perdu de sa prédominance dans le discours des agences. Avec l’IA, on parle moins de chartes ou de labels : l’impact écologique d’un créatif assis devant sa station de travail est finalement bien moins visible que celui d’une équipe de tournage entière en déplacement à l’autre bout du monde.

Pourtant, la soumission de la créativité aux algorithmes et à la bulle de l’IA générative – OpenAI, Adobe, NVidia – n’est pas sans poser quelques questions environnementales. On le sait, le développement de l’intelligence artificielle grève largement les efforts qu’avaient consentis quelques acteurs de la tech en termes de responsabilité écologique. Les promesses d’un Microsoft dans ce domaine sont totalement anéanties par ses récents plans de développement de data centers. La consommation en eau des hangars à serveurs de Google en Californie fait débat. Et en Irlande, pays particulièrement accueillant pour les entreprises de la tech, la consommation électrique liée aux équipements informatiques a explosé.

Mais de tout cela, le monde de la communication n’en parle pas beaucoup, concentrant son discours sur l’impact des algorithmes sur la créativité.  

Choix technologique et environnemental

Pourtant, les choix faits par les agences, grandes ou petites, de mettre au cœur de cette créativité et de leur production ces algorithmes, de s’associer avec et de soutenir les géants de l’intelligence artificielle, est un acte aussi significatif que celui d’envoyer des équipes de tournage à l’autre bout du monde. Soutenir et investir dans ces technologies énergivores semble bien contraire aux engagements que le monde de la com martelait il n’y a pas si longtemps dans la presse et sur les réseaux.

C’est un choix technologique et environnemental qu’il semble aujourd’hui important de questionner. Et de ne pas gommer d’un coup d’IA.

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