Sans mettre en péril l’économie des médias, la proposition de loi visant à interdire de publicité les marques de fast fashion permettrait de réduire l’exposition des consommateurs, et particulièrement des jeunes publics.

Le 14 mars 2024, l’Assemblé nationale s’accordait à l’unanimité pour limiter l’expansion des marques de fast fashion et de very fast fashion en France préparant une loi qui interdirait la publicité pour ces produits dès janvier 2025.

A l'heure où les préoccupations des Français se concentrent sur le pouvoir d’achat et les enjeux climatiques, figurant désormais parmi leurs quatre grandes priorités, selon l'étude TGI R1 2024, la consommation impulsive, encouragée par des stratégies marketing agressives, est un sujet préoccupant. Matraquage publicitaire sur les réseaux sociaux, livraison ultra rapide, retours facilités et prix qu’aucune enseigne ayant pignon sur rue puisse concurrencer, autant d’éléments qui attirent des consommateurs vers des achats répétitifs au détriment de leur budget, compromettant finalement leurs besoins essentiels tels que l’alimentation, le logement ou le transport.

Sur le plan de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et surtout de l'impact socio-environnemental, le tableau n'est guère plus reluisant. L’empreinte carbone liée à la logistique, les conditions de fabrication et l’usage intensif de matières premières de moindre qualité accentuent la défiance.

Au-delà de la définition même de la fast fashion ou de la very fast fashion, l’interdiction de la publicité soulève une question cruciale : quel sera l’impact sur les recettes des médias ? Sociaux ou historiques, les médias se regardent et s’affrontent, chacun persuadé de sa légitimité et de son apport pour une vie meilleure. D’un côté, le partage et la liberté d'expression ; de l'autre, le pluralisme et la vérité démocratique. Alors, qu'en est-il réellement de l’impact de cette interdiction de publicité des marques de fast ou very fast fashion ? 

Perte de revenus relativement faible

D'après les chiffres de Kantar Media, la fast fashion n’a représenté que 0,2% du marché publicitaire plurimédia français en 2023 (presse, radio, TV, publicité extérieure, display et cinéma). La perte de revenus pour les médias traditionnels serait donc relativement faible à court terme. Néanmoins, avec une progression des budgets de +27% entre 2022 et 2023 pour les marques concernées, les choses pourraient s’amplifier, d’autant que des acteurs comme Shein ou AliExpress, jusqu’à présent quasi silencieux, ont détrôné sur le terrain publicitaire des marques européennes telles que H&M, également dans le viseur de cette nouvelle législation.

L'impact serait plus significatif pour les plateformes sociales du groupe Meta, TikTok ou encore pour le moteur de recherche Google, qui pourraient perdre 3,5% de leurs recettes publicitaires annuelles, soit environ 230 millions d'euros, d'après les résultats du SRI pour le premier semestre 2024 projetés sur l’année. Cependant, ce montant représente une fraction marginale pour ces géants technologiques mondiaux dont les chiffres d'affaires dépassent souvent les 100 milliards de dollars. A titre d’exemple, Facebook a perçu 135 milliards de dollars en 2023 dont 56% provenait des recettes publicitaires de la sphère sociale.

L’expérience de la loi Évin

L’interdiction de la publicité pour les marques de fast fashion ne mettrait donc pas en péril l’économie des médias, qu’ils soient d’information ou de socialisation. C'est une bonne nouvelle dans un monde où les médias ont besoin des marques pour survivre. À l’inverse, cette interdiction permettrait de réduire l’exposition des consommateurs, et particulièrement des jeunes publics, à ces pratiques commerciales. Avec l’expérience de la loi Évin adoptée en 1991, qui interdisait la publicité pour le tabac et l’alcool, nous avons le recul nécessaire pour anticiper les bénéfices obtenus par une interdiction publicitaire.

Une telle interdiction devra probablement être accompagnée d’autres mesures, telles que la taxation, comme cela a été fait pour le tarif du tabac. Focaliser le débat sur la publicité et la désigner comme seule responsable de la consommation excessive de textiles serait réducteur. Son rôle d’éducation positive, notamment dans les campagnes de prévention et pour la transition écologique, n’est plus à prouver. Les médias n’ont donc pas à craindre cette loi et les gouvernants doivent élargir leur plan d’action s’ils souhaitent que la fast fashion recule dans notre pays. Le cocktail gagnant pourrait bien être composé d’éducation, de taxation et de limitation de l’exposition.

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