Présenté dans le secteur événementiel comme une solution miracle, le recyclage n’implique en rien un changement des usages. Il peut même inciter à produire et consommer toujours plus.
Tout d’abord, rappelons de quoi il est question. Le recyclage consiste à détruire un matériau pour le transformer via un procédé industriel lourd en un nouveau matériau, qui n’aura généralement pas les mêmes propriétés (résistance, durabilité, usage...). La première question à se poser serait la suivante : pourquoi détruire un matériau quand il est possible de rallonger sa durée de vie ?
La question est d’autant plus piquante pour le secteur évènementiel où tous les aménagements sont produits à partir de matériaux neufs (bois, textiles, moquettes, bâches...) et pour un usage extrêmement court. Un défilé de mode - comble de l’éphémère - dure entre 12 et 20 minutes, un salon professionnel quelques jours à peine. Dans ce contexte, stands, décors, scénographies et vitrines apparaissent comme des «consommables» à usage unique là où ils pourraient (et devraient) être considérés comme des ressources durables.
Les limites du recyclage
Si tout le monde connaît le principe du recyclage en théorie, peu sont au fait des limites du procédé dans la pratique. Elles sont pourtant nombreuses. Par exemple, ne peuvent être recyclés que les matériaux qui ont été strictement triés. Or, sur un démontage en fin d’événement, on manque de temps et tout finit généralement jeté en vrac dans des bennes de déchets dits «mélangés», qui ne pourront de fait plus jamais être revalorisés. Idem pour les matériaux composites (c’est-à-dire mélangés dès leur fabrication), comme la moquette par exemple : composée de polypropylène et de latex, elle finira quasi-systématiquement enfouie ou incinérée.
Ensuite, il faut savoir que recyclage est une action polluante en soi. Selon la géographie des filières, on fait parcourir des centaines de kilomètres à la matière (la moquette est traitée en Belgique, le PVC en Autriche…) avec les bilans carbones qu’on imagine. Et les usines de recyclage elles-mêmes consomment beaucoup. D’où la logique consistant à éloigner autant que possible les deux étapes les plus polluantes dans le cycle de vie d’un matériau : sa production et sa destruction (ou sa transformation par un procédé de recyclage).
Recycler, une incitation à la surproduction
En théorie, l’histoire est belle : transformer nos déchets en ressources, quoi de plus logique ? Personne ne s’y opposera, sur le principe en tout cas. Mais en pratique, en développant nos capacités de recyclage de façon industrielle, on légitime aussi le fait de produire toujours plus de déchets. On alimente ainsi une économie de la surproduction, et a fortiori de la surconsommation. Et le secteur événementiel est aujourd’hui pris au piège.
Les marques veulent du «green» pour verdir leur image et développer leur stratégie RSE (la fameuse responsabilité sociale des entreprises). Aussi, les agences qui les accompagnent ont versé dans la solution accessible facilement et présentée comme miraculeuse : le recyclage. Tous les organisateurs d’évènements se targuent aujourd’hui d’acheter des produits «recyclés» ou «recyclables» sans connaître réellement l’impact de leur action. Et sans boucler la boucle à leur tour : le produit recyclable n’est souvent jamais recyclé.
Alors quelles sont les solutions ? Pour commencer, développer le réflexe du réemploi à grande échelle grâce à une incitation des pouvoirs publics. Ainsi, on supprime à la fois le coût environnemental lié à la production du déchet mais aussi celui inhérent à la fabrication du matériau neuf. On provoque ainsi une double externalité positive, et plus on multiplie le nombre d’usages d’un matériau, plus l’effet de levier est important. What else ?