Il ne faut pas surestimer les capacités de l'IA générative. Mais ceux qui ne la maîtriseront pas pourraient être remplacés par des candidats plus compétents en la matière.

Un peu plus d'un an après le lancement de ChatGPT, l'IA générative reste un sujet brûlant. Tout et son contraire a été dit à son sujet : cette technologie pourrait débloquer des milliards d’euros de valeur dans tous les secteurs, faire disparaître des millions d'emplois du jour au lendemain, ou encore donner naissance à une super-AGI (intelligence artificielle générale) - un système autonome qui surpasserait les humains et pourrait faire progresser les mathématiques et la physique à vitesse lumière. 

La ferveur qui entoure les exploits de l’IA générative peut sembler familière... Il n'y a pas si longtemps, le métavers n'était-il pas lui aussi censé changer le monde ? Ou le Web3 avant lui ? Cette surexcitation est en effet typique des nouvelles technologies, mais cela signifie-t-il qu’elle connaîtra le même sort, c’est-à-dire finir quasiment oubliée d'ici un an ?

Le fonctionnement de l’IA générative vs l’IA traditionnelle

Si l’arrivée de l’IA générative sur le marché a pu s'apparenter à un raz-de-marée, l'IA traditionnelle transforme depuis des années les entreprises, de manière plus discrète. Lente mais régulière, sa croissance a donné naissance à tout un écosystème de soutien qui a favorisé le déploiement accéléré de l’IA générative. La première transformation par l’IA s’est opérée sur une décennie entière, cette nouvelle vague semble quant à elle prête à bousculer les codes à un rythme plus effréné.

En effet, alors que l'IA traditionnelle se base sur la data pour effectuer des prédictions, l’IA générative utilise des données existantes pour produire un «nouveau» contenu. C’est d’ailleurs pour cette raison que cette technologie s’est popularisée si rapidement : s'adressant directement à nos sens, ce qu'elle génère peut être tout de suite apprécié. Rappelons-nous de ces images générées par l’IA qui avaient fait le tour du web, montrant des politiciens arrêtés par les forces de l’ordre ou des figures religieuses portant de luxueux manteaux. De l’indignation au rire, le contenu généré suscite des émotions fortes, tandis que les capacités de l'IA traditionnelle s’apprécient avant tout d’un point de vue logique.

Les limites actuelles de l’IA générative

L’IA générative impressionne tant qu’on pourrait croire à un «fantôme dans la machine» (selon l'expression de Gilbert Ryle). Cependant, les grands modèles de langages (large language models, ou LLM) ne sont pas capables de penser ; ce qu'ils créent, qu'il s'agisse du scénario d’un film d'action ou d'une photo de chien, ils ne le comprennent pas. L’illusion vient de leur capacité à prédire des résultats en se basant sur les données sur lesquelles ils ont été entraînés. 

Cette technologie fonctionne en effet sur le remplissage des blancs. Par exemple, en saisissant sur ChatGPT «la qualité la plus impressionnante de l'IA est sa capacité à…», le LLM s’appuie sur ses données d'apprentissage pour deviner le mot suivant et compléter la phrase, ajoutant ainsi «apprendre», puis «de», et enfin «son expérience». Sans réelle capacité de réflexion, les LLM peinent donc à effectuer certains calculs simples, et ne peuvent pas détecter leurs propres erreurs. Ces dernières sont appelées «hallucinations», un terme plus poétique que «bug», et qui varient d’un modèle à l’autre, selon les tâches demandées. À l'instar de l’humain, l’IA générative n'est donc pas infaillible… 

Plus important encore, elle ne peut fonctionner sans données : celles-ci alimentent ses capacités et garantissent la qualité de ses résultats. Sans données solides, la valeur ajoutée de cette technologie est fortement diminuée. Dans son état actuel, l’IA générative ne surpasse pas les experts humains. Elle n’obtient pas de meilleurs résultats que les candidats les mieux classés à l'examen du barreau américain, ne génère pas de plus belles images qu'un photographe professionnel, et n’écrit pas de code plus efficacement qu’un développeur expérimenté. Mais si elle ne surpasse pas les meilleurs, l’IA générative compense par sa vitesse, son adaptabilité, sa disponibilité 24h/24 et sa rentabilité. 

Les deux meilleurs domaines d'application de l’IA générative

Une des craintes les plus fréquemment soulevées par l’IA générative est qu'elle pourrait remplacer certains emplois. Or, le changement pourrait survenir ailleurs : ceux qui ne maîtrisent pas cette technologie (ou ne veulent tout simplement pas l’utiliser) pourraient être remplacés par des candidats plus compétents en la matière. Le défi consiste alors à l’appliquer de manière sécurisée et pratique, afin de rester compétitif, sans gaspiller son budget ou compromettre ses principes. 

Compte tenu des limites précédemment mentionnées, les domaines d’applications les plus propices à l’IA générative se répartissent en deux grandes catégories. D’une part, l’assistance virtuelle, incarnée par des plateformes telles que Github Copilot et Google Duet, émerge comme un levier majeur pour accroître drastiquement la productivité et la performance. Cette approche permet aux employés de se concentrer sur des tâches plus engageantes, bien que leur intervention régulière reste nécessaire pour garantir la qualité du contenu généré. D’autre part, l’automatisation complète apparaît plus stratégique dans des environnements contrôlés, ou des applications à faible enjeu, où des défaillances occasionnelles auraient moins de conséquences. 

L’immense potentiel de l’IA générative n’est plus à démontrer : cette technologie peut transformer les entreprises et accroître la productivité dans de nombreux domaines, tels que le marketing, la vente, ou encore l’informatique. Toutefois, elle nécessite une compréhension approfondie de ses capacités et de ses limites. Une adoption (trop) rapide pourrait en décevoir certains, qui l’auraient intégré trop superficiellement ou sans s’être suffisamment préparé en amont. Une bonne idée ne suffit pas pour tirer parti de cette technologie. Son impact sur notre société réside ainsi dans notre capacité à l’orienter vers des applications responsables, solides et fiables.