TRIBUNE

Les professionnels de la communication ne doivent pas confondre visibilité et efficacité. Leur magie doit opérer dans l'ombre au service de l'image qu'ils sont chargés de construire. Et non de la leur.

Surinformation, omniprésence des médias, décryptages en série... La communication professionnelle traverse une période qui peut paraître propice, mais flirte en fait dangereusement avec l’abîme. Historiquement, les experts en communication excellaient dans l'art de rester invisibles, manœuvrant en coulisses pour sculpter les images publiques des entreprises et des personnalités. On parlait d’ailleurs «d’éminences grises». Cette discrétion était semblable à celle des magiciens, dont le mystère réside dans des secrets jalousement gardés. Aujourd'hui, un changement s'opère, où ces mêmes professionnels choisissent de se mettre en avant, trahissant ainsi les ficelles du métier et, ce faisant, ressemblent à des magiciens qui révèleraient leurs astuces, érodant l'enchantement et le suspens qui captivent leur audience.

Or, il suffit de regarder une émission comme Quotidien pour voir, à longueur de montages irrévérencieux, les «secrets de com» mis à jour en particulier les fameux «éléments de langage» que des politiciens répètent avec une précision robotique. Ces séquences démontrent que la récitation mécanique de messages préfabriqués peut rapidement tourner au ridicule lorsque dévoilée crûment au grand jour. L'authenticité se perd, laissant place à une parodie de communication où l'originalité et la personnalisation brillent par leur absence.

L'efficacité d'un communicant se mesure à sa capacité de naviguer discrètement dans les arcanes du pouvoir et de l'influence, sans jamais se révéler au grand jour. Les meilleurs parmi eux sont souvent ceux dont le nom reste inconnu du grand public, leurs œuvres parlant pour eux. Ils sont les auteurs anonymes de réussites publiques, façonnant des récits sans jamais apparaître dans ces derniers.

Un certain penchant pour l'auto-promotion chez certains révèle un malaise plus profond : la confusion entre visibilité et efficacité. Dans leur quête de reconnaissance personnelle, ces professionnels oublient que leur véritable rôle est de mettre en lumière les autres et non eux-mêmes. En effet, la communication n'est pas une fin en soi, mais un moyen au service d'une stratégie plus large, celle de la marque ou de l'individu représenté.

Risque de lassitude du public

Le risque de cette approche autocentrée est double. D'abord, elle détourne l'attention du message principal pour la focaliser sur ses créateurs, diluant ainsi l'impact recherché. Ensuite, elle risque de provoquer une lassitude chez le public, fatigué de ces artifices devenus trop visibles. Les communicants doivent comprendre que leur magie opère mieux dans l'ombre, où elle conserve tout son mystère et sa puissance.

Il est donc impératif que la communication retrouve son essence première : un art subtil, raffiné et discret. Les communicants doivent apprendre à effacer leur propre image au profit de celle qu'ils sont chargés de construire. En revenant derrière le rideau, ils pourront redonner vie à l'art de la communication, où le mystère et l'ingéniosité règnent en maîtres, invitant au respect plutôt qu'à la dérision. Leur expertise doit se manifester non pas par une présence évidente, mais par l'éloquence et la pertinence de leurs accompagnements. Seul un retour à cette discrétion peut assurer la pérennité et l'efficacité de leur métier et restaurer la confiance dans ce qui doit rester avant tout un art : celui de convaincre sans paraître.

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