Pour mobiliser les électeurs et sortir du lot, les candidats aux élections européennes du 9 juin prochain vont devoir créer une vraie identité de campagne. Un impératif que trop peu de partis politiques ont pris en considération.
« Think different. » La nouvelle affiche des partis de l’actuelle majorité au Parlement européen va être collée pour la première fois dans toute l’Europe. Il faut saluer la démarche de mise en cohérence des codes visuels et des éléments de langage pour gagner en impact et en lisibilité. Mais cela manque de créativité et d’originalité. Sans parler de la maladresse de suggérer le détournement facile de l’étoile européenne « croquée » par une méga-marque américaine.
On l’oublierait presque : les élections européennes approchent à grands pas. Les têtes de liste ont deux enjeux majeurs dans cette élection : mobiliser leur électorat pour une campagne où le taux d’absentéisme bat régulièrement des records et sortir de la masse des listes inscrites - pas moins de 32 pour ce scrutin ! L’enjeu de l’impact, que l’on soit un grand parti de gouvernement ou une liste plus confidentielle, est primordial : conjuguer singularité, sens et… sensibilité. Il s’agit de se conférer une personnalité, et souvent, dans le milieu politique, s’approprier une couleur. Comme une marque, un candidat doit assumer des aspérités. Pour inspirer. Alors, que nous inspirent les têtes de gondole « des européennes » ?
Pour Renaissance comme Les Républicains, aucun signe distinctif à l’horizon. Certes, les affiches de campagne ne sont attendues que pour le 15 mai. On peut regretter que ces « marqueurs » indispensables pour le grand public n’arrivent qu’aussi proche de la date du vote. C’est toute la difficulté pour les partis engagés dans cette course européenne : impacter vite et fort. Il faudra donc des codes simples mais signifiants, avec une « promesse » immédiatement mémorisable, ce qui n’empêche pas l’originalité. D’abord, la justesse de la sémantique, puis la différenciation par les signes.
Revenons à l’importance de la couleur et de sa signification. Beaucoup de « petits » candidats font le choix de l’orange ou du violet, à parfaite équidistance du rouge et du bleu de l’hémicycle, pour ne pas être amalgamés au sempiternel clivage gauche-droite. En vérité, on peut donner le sens que l’on veut à une couleur. Ce qui importe, c’est le discours auquel on la raccroche. Et le positionnement se retient d’autant mieux que les mots choisis sont courts et simples.
Marquer les esprits
Les codes de campagne du candidat socialiste sont assez intéressants de ce point de vue-là : on n’est pas loin du jaune solaire de Bpifrance, qui donne une cure d’optimisme à la société française, le regard tourné vers l’avenir et porté par la signature « Réveiller l’Europe », avec une typographie qui interpelle. « Réveiller », ce n’est pas commun en politique et le verbe d’action à l’infinitif est engageant.
En termes de slogan, « La France revient, l’Europe revit » du Rassemblement National est aussi susceptible de marquer les esprits. La démarche du RN est claire : envoyer un message positif et couper le cordon, au moins dans la forme, avec le passé de ce parti, en prenant comme couleur principale un vert turquoise, que n’aurait pas renié une agence de voyage.
Très peu, trop peu ont développé une identité de campagne. Pourtant, qui ne se souvient pas des pommes de Chirac ou de la rose de Mitterrand ? Les écologistes ont fait un choix original en utilisant le code, aussi poétique que graphique, de l’arc-en-ciel qui encadre « Toussaint 2024 ». Son traitement graphique, en multi-couleurs comme en blanc, est efficace. Car à y regarder de plus près, tout semble passer au vert.
Dans le mot « marque », il y a « marquer ». Cela veut d’abord dire marquer sa différence. Or, comme l’a écrit un jour un ancien président de la République, « ce qui manque à la politique, c’est le sens de la marque ». Il a raison : beaucoup de listes, mais trop peu d’incarnations d’un projet. Alors qui fera le plus consensus sans être consensuel ?