Quoi qu'on en dise, la série La Fièvre, dont Canal+ vient de diffuser le dernier épisode, vient démythifier le rôle du communicant de crise et mettre en lumière un métier souvent fantasmé, selon Alban Saint-Joigny, de Backbone Consulting.
La série La Fièvre est terminée. On a tout entendu sur cette série : c’est formidable, c’est nul, c’est une caricature, c’est prophétique. Au-delà des considérations scénaristiques et autres choix artistiques, cette série vient surtout démythifier le rôle du communicant de crise et mettre en lumière un métier souvent fantasmé. Artisan de l’ombre et spin doctor manipulateur, peut-on lire parfois. Or, cette série permet d’apporter quelques précisions sur la réalité de ce métier. Discerner la réalité du mythe. Sauf quand parfois les deux se rejoignent.
Dans la vraie vie, La Fièvre, ça donne quoi ? La série nous éclaire d'abord sur le rôle du communication de crise, qui ne sauve pas le monde. On aimerait pouvoir dire le contraire mais malheureusement, ce n’est pas le cas. Le communicant joue en revanche un rôle décisif dans l’élaboration des stratégies et actions positives pour restaurer une réputation entachée. Son rôle est d’apporter une autre perspective à une situation critique, un regard neutre, posé et expérimenté. Il participe activement à un tout. Le rôle d’un bon communicant de crise, c’est avant tout de savoir anticiper, gérer et suivre.
Concernant la factualisation, on entend dans la série : «on va faire l’édredon, on les laisse se taper dessus pendant que nous, on reste au chaud sous la couette », lorsque le hastag #bounty enflamme les réseaux sociaux et que les communautés d’extrême gauche affrontent celles d’extrême droite. Ici, les outils sont clefs pour jauger d’une situation, la factualiser. Et la série dans sa narration l’illustre bien.
Factualiser, c’est vérifier l’ampleur et la magnitude d’un phénomène : qui s’exprime, quelle est la tonalité, quel est le volume de messages, quels sont les hashtags porteurs, que disent-ils et sur combien de temps ? Quand «des chambres d’écho indigénistes» font les rageurs entre eux, la bonne posture à adopter est celle de rester à l’écart. Quand elles gagnent l’opinion neutre, il faut agir et vite ! Sans factualisation, le communicant ne peux définir la bonne stratégie, le ressenti ne peut fonctionner. La bonne nouvelle : les réseaux sociaux et les outils afférents permettent désormais cette factualisation de façon simple, efficace et consolidée. Il faut donc maîtriser les outils, tous les outils, tant dans leur paramétrage que dans leurs codes et fonctionnements.
Lien central entre le client et le communicant
Autre point intéressant, en situation de crise, le lien entre le client et le communicant est central. En ce sens, la série vise juste. La proximité est là. Alors non, il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’à «tomber amoureux», ni de lui prendre son téléphone pour le protéger, mais ce lien de proximité et de confiance permet d’avancer et d'agir en partenaire. Ce lien repose sur une confiance mutuelle tout autant qu’une capacité à réagir vite, à tout moment. C’est parce que ce lien existe que la stratégie prendra en compte les spécificités du client et sera donc plus efficace.
En termes de créativité, dans La Fièvre, les communicants qui entourent le club de football du Racing cherchent la «bonne» stratégie pour riposter à la tempête dont le club est victime. Pour rebooster la réputation du club, l’objectif est d’imposer son narratif. La crise peut aussi être une opportunité merveilleuse pour transformer sincèrement et en profondeur un modèle comme celui de devenir «entreprise à mission». Dans la série, le passage de club à coopérative en est la démonstration. Même si l’idée de prime abord semble farfelue, elle est en réalité loin d’être délirante. C’est l’essence même de la crise : accélérer le changement. Mais un changement réel et sincère, ce n’est pas une «fable» mais une réalité appliquée.
Enfin, l’expérience et la maîtrise des techniques. La parfaite connaissance de l’opinion, des relais et des leviers de perception est une clé indispensable de la bonne gestion de crise. Elle sera doublée par la maîtrise des techniques traditionnelles de gestion de crise et celles de l’expression sur les réseaux sociaux. La parfaite connaissance et maîtrise du numérique est une opportunité pour écouter, comprendre et agir.
Gageons que l’intérêt pour ce métier sera renforcé après la diffusion de tous les épisodes de La Fièvre. A nous de leur faire découvrir l’intérêt et la force de l’envers du décor.