Créée au départ pour gagner de l’espace dans la copie, l'esperluette s'est imposée depuis dans le nom d'un certain nombre de marques. A l’heure du tout digital, elle permet aujourd'hui de garder la trace de la main humaine et de sa gestuelle.
Depuis plus de 135 ans, l'esperluette relie discrètement en écriture cursive un frère Johnson à un autre, décennie après décennie, pour raconter, d’un rouge éclatant, l’histoire du groupe américain, fondé à la fin du XIXe siècle par ces frères visionnaires, dans le New Jersey. Le groupe avait aussi, au cours du siècle suivant, su se doter dès 1943 d’un socle de valeurs appelé « Credo », dans lequel étaient posées, au mot près, les bases d’une politique de RSE ambitieuse et pérenne. Le Credo fête cette année ses 80 ans, sans avoir pris une ride. Et le 14 septembre dernier, le premier groupe de santé au monde a décidé de donner un coup de jeune à sa marque, revisitant au passage son logo, son organisation et sa vision.
Parmi ces changements d’importance, l’esperluette – ampersand en anglais, une occasion d’enrichir au passage notre vocabulaire – a retrouvé une nouvelle jeunesse. Elle se présente désormais comme un symbole plus reconnaissable, placée entre un Johnson et un autre Johnson rajeunis, amincis, parés d’un rouge plus dynamique. Chaque lettre est dessinée d'un seul trait de plume, créant, je cite, « un contraste qui donne une impression d'inattendu et d'humanité ». Dans sa version courte, le groupe s’affichera de manière plus personnelle et plus contemporaine en tant que « J&J », en particulier sur les interfaces numériques.
Ce changement, c’est aussi l’occasion de mettre en lumière un symbole typographique devenu incontournable dans le monde du design. Et de revenir sur son histoire. Ceux qui me connaissent savent que le livre qui m’a suivi dans chacun de mes postes depuis ma sortie du CFJ en 1983, c’est le code typographique. Et que j’ai toujours eu à cœur d’en respecter les arcanes.
A l’origine, l’esperluette, dont je vais vous épargner ici les différentes hypothèses sur son étymologie, remplace le « et » latin (prononcer ette !), permettant de gagner de l’espace dans la copie. Son origine est donc purement pratique, sinon économique. Au fil du temps, elle a évolué pour s’adapter aux nouveaux styles d’écriture.
Mais au-delà de son graphisme, entre caractère et ponctuation, c’est son rôle symbolique qui est intéressant. Car l’esperluette articule, relie, unit. Elle rassemble les initiales ou les personnes, marie les concepts, fédère les idées. Nombreuses sont les marques qui ont choisi de capitaliser sur son infini potentiel. Elle porte en elle le souvenir de cette grâce dansée, quand les caractères de plomb se piochaient à la main en haut ou en bas-de-casse, figures figées de l’écrit. Elle garde la trace de la main humaine et de sa gestuelle. A l’heure du tout digital, elle a aussi su trouver sa place dans les noms d’utilisateurs, les codes d’accès, les hashtags, puisant dans ces possibilités l’énergie nouvelle pour devenir une véritable icône.
L’esperluette de J&J a profité des changements stratégiques du groupe pour se faire belle, biffant d’un trait de plume son côté tarabiscoté pour se tenir droite, fière, élégante, entre deux Johnson eux aussi relookés, qu’elle se permet d’entrelacer. C’est, au-delà de l’écriture en action, le signe tangible de notre présence humaine, le lien qui nous unit et qui nous distingue.