Moins coûteux qu'une opération réelle, plus impactant et surtout plus conversationnel, le fake out of home devient la nouvelle coqueluche des créatifs.
Vous avez sûrement vu passer dans vos feed cette opé Maybelline. Géniale, non ? Et pourtant, elle n’a en réalité jamais existé. Elle est générée par ordinateur (comme le CGI au cinéma). Une approche digitale novatrice qui repousse les limites de la réalité et laisse place à toutes les fantaisies. Une illusion hyperréaliste qui m’a aussi rappelé les débuts du show Is it Cake ? sur Netflix (je vous le recommande).
Contrairement au DOOH (digital out of home, l'affichage digital), le FOOH (fake out of home) donne l’illusion de la réalité aux spectateurs, jusqu’à les faire douter. C’est d’ailleurs l’un des principaux effets recherchés au moment de la conception de ces campagnes vidéo hyper immersives, en plus de pouvoir se connecter différemment aux audiences grâce à un storytelling plus léger, mais tout aussi impactant.
C’est aussi pour cette raison que le FOOH est la nouvelle coqueluche des créatifs : parce qu’on peut broder de nouvelles histoires sur le canvas de la réalité, sans aucune contrainte.
Deux leviers peuvent être activés sur ce type de campagne : l’influence (qui engendre de la visibilité) et l’engagement. Ces surréalistes digitaux sont les nouveaux artiste-influenceurs à la mode. Origiful compte à lui seul plus de 300 000 abonnés, Antoni Tudisco 480 000. En s’associant avec des marques hyper présentes sur les plateformes (Jacquemus, Gucci, Gentle Monster ou des artistes pop/rap comme Angèle, Ice Spice ou encore Russ), ils font d’une pierre deux coups et font exploser les scores en vues, likes, commentaires ou partages, sur des formats vidéo très courts (de 6 à 10 secondes).
Les audiences s’engagent très facilement avec ce type de contenu qui sort du lot par rapport aux photos ou aux Reels de vidéos produit, des jeux concours, des unboxing ou des recettes sans trop d’intérêt, justement parce que l’illusion est telle qu’ils n’arrivent souvent pas à discerner le vrai du faux. Et c’est ça le hook. C’est même la finalité de cette nouvelle catégorie de contenu. Ces vidéos sont aussi appréciées par les algorithmes sociaux qui les poussent naturellement en raison du nombre d’engagements (likes, commentaires, partages, enregistrements, watch time). Les jaloux diront que c’est de la triche.
De sacrées économies financières
Autre atout de ce type de campagne (et pas des moindres) : son coût. Cette méthode offre de sacrées économies financières, évite les coûts de production et d'affichage physique. Plus de contrainte de lieu, de disponibilité des affichages ou de format, tout est personnalisable et sans limites. On peut toutefois se poser la question de la légitimité de «l’emprunt digital» d’un lieu public, comme le métro ou bien la place de la Concorde, la Tour Eiffel ou les berges de Seine. Pour le moment, on peut dire que le vide juridique joue en notre faveur, mais peut-être plus pour longtemps en raison de l’explosion du nombre de ces productions vidéo.
Les plus friands de ce type d’objets publicitaires sont les retailers, les maisons de luxe, les musées et même les constructeurs auto. Etam, Jacquemus, la Réunion des Musées Nationaux, Hyundai, la ville de Londres s'y sont par exemple déjà essayé.
Quel est alors le Graal ? Que certaines campagnes performent si bien en fake OOH que la marque lui fasse prendre vie, pour de vrai. Et même s’ils ne le font pas. A l’ère où toutes nos expériences sont d’abord partagées en ligne et principalement sur les plateformes sociales, le FOOH pourrait bien être la plus grosse future tendance publicitaire.
Innovation vs illusion
Si le FOOH redéfinit la manière de percevoir la publicité et notre engagement de façon innovante, son utilisation soulève la question de l’authenticité dans l’expérience de marque. En repoussant toujours plus loin les limites de la réalité, le risque est de venir diluer les expériences de marque/produit que nous avons appris à apprécier dans le monde réel.
Petit exemple : cette monumentale animation 3D réalisée par Eyestudio pour la promo du film Barbie paraît si réelle et pourtant, elle n’existe pas. Dommage, non ? À force d’être exposés régulièrement à ce type de contenus complètement fou sur les plateformes (qui, je vous l’accorde, génèrent beaucoup de PR/visibilité/engagement), est-ce qu’on ne serait pas déçus et frustrés de ne pas pouvoir apprécier ces créations dans la vraie vie ? Est-ce qu’à la longue, notre œil ne va pas développer une 3D fatigue ? S’habituer puis passer à autre chose ?
On rabâche depuis des années à nos clients qu’il faut mettre l’authenticité, la transparence et la responsabilité au cœur de leur stratégie de marque pour construire une relation de confiance avec leurs consommateurs. Alors allez-y mollo sur le fake. Parce que tout comme le DOOH, le FOOH construit des attentes chez eux. Et qui dit déception dit perte de confiance, avec parfois en bonus, le sentiment d’avoir été trompés. À l’heure où les fake news et la désinformation sont partout dans notre quotidien (online ou non), le FOOH pourrait se retourner contre nous et notre industrie. Réfléchissons donc un instant aux pièges que représente le fait d’induire délibérément les gens en erreur pour quelques impressions sur Instagram.
Assumer jusqu’au bout
La solution ? Assumer le fake jusqu’au bout et le pousser créativement dans ses retranchements. Avec un effet «c’est trop beau pour être vrai, ça ne peut pas exister». Autre solution : multiplier les angles de vue pour révéler des détails qui prouvent créativement que votre objet a été réalisé en 3D. Vous pouvez aussi appliquer la méthode Maybelline en répondant avec une touche d’humour aux commentaires de votre communauté qui ne se pose qu’une seule question : « is this real ?????? ».
En tous cas, le FOOH montre bien à quel point la technologie a évolué au fil des ans. Expérimenter un nouveau procédé créatif sans règles pour faire gonfler, voler, disparaître n’importe quel objet, on ne va pas se mentir, c’est quand même génial. Les pyramides du Louvre se déplacent dans le ciel, Serge le Lapin prend vie et court dans les couloirs du métro de la ligne 1, les baguettes tradition deviennent des brand ambassadors. Qui l’eût cru ?