La 10e édition de la Coupe du monde de rugby et la perspective des Jeux olympiques et paralympiques en 2024 sont l’occasion de revenir sur les bonnes pratiques en matière de communication autour des compétitions sportives.
Coupe du monde de rugby, Jeux olympiques et paralympiques en 2024... Ces compétitions offrent des opportunités de communication et de visibilité exceptionnelles pour les différents partenaires. A ce stade, le Mondial de rugby 2023 a rassemblé 36 partenaires, alors que les Jeux de Paris 2024 en ont réuni plus de 66.
En complément des revenus liés à la billetterie et aux droits audiovisuels, les recettes générées par les partenariats représentent une source de revenus très significative pour les organisateurs d’évènements sportifs. En ce sens, le rapport de la Cour des comptes de janvier 2023 concernant l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 relevait que les recettes issues des partenariats domestiques, évaluées dans le budget initial à 1 087,8 millions d'euros, ont été portées en décembre 2021 à 1 099,3 millions.
En parallèle de ces pratiques commerciales formalisées par la conclusion d’un contrat de partenariat, certaines entreprises mettent en place des stratégies de communication visant à profiter des retombées médiatiques de l’évènement pour promouvoir leurs produits ou services en faisant expressément référence à l’évènement, sans y être autorisées. Ce type de pratiques n’est pas sans risque, au regard des différents fondements juridiques à la disposition des organisateurs d’évènements sportifs et notamment du monopole détenu par ces derniers, au titre de l’article L. 333-1 du Code du sport. En ce sens, l’entreprise qui cherche à tirer profit d’un évènement sportif, sans en être partenaire officiel, risque de voir sa responsabilité engagée au titre de ce qu’on appelle communément «l’ambush marketing» ou marketing d’embuscade.
Situations difficiles à trancher
Les organisateurs d’évènements sportifs, souvent confrontés à cette difficulté, sont de mieux en mieux organisés afin de limiter les risques liés à ces pratiques, susceptibles de leur causer un préjudice financier et d’image significatif, notamment en fragilisant la valeur des droits commerciaux de l’évènement, en ce compris leurs relations avec leurs partenaires officiels, lesquels bénéficient d’une exclusivité. Par conséquent, en amont de la tenue de ces évènements, la surveillance des réseaux sociaux est quotidienne et les précautions contractuelles avec les différentes parties prenantes à la livraison de ces évènements se multiplient, afin de sensibiliser ces acteurs concernant cette pratique et d’assurer une mise à disposition des sites et des environs, exempts de toute publicité.
De nombreuses décisions ont sanctionné les violations évidentes des droits des organisateurs, par exemple lorsqu’un tiers utilise, sans droit, des signes distinctifs de l’organisateur de la compétition («Jeux olympiques», «JO», «Championnat d’Europe»...) pour vendre ses produits (écharpes, broches, disques, magazine, polos...). Eu égard à l’avantage qu’en retire l’ambusher et au préjudice subi par l’organisateur, le montant relativement faible des condamnations financières est plutôt surprenant, et renvoie à la notion de faute lucrative, qui rapporte plus qu’elle ne coûte.
Au-delà de ces cas, certaines situations sont plus difficiles à trancher. C’est notamment le cas de la jurisprudence d’un constructeur automobile, souvent citée en exemple pour illustrer le genre de communication autorisée. Dans cette affaire, le constructeur automobile a, durant le Tournoi de rugby des Six nations, publié une publicité portant le message : «France 13-Angleterre 24, [le constructeur automobile] félicite l’Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l’équipe de France le 9 mars pour France-Italie.» Les juges ont considéré que l’atteinte n’était pas caractérisée puisque la publicité litigieuse se bornait à faire référence à un résultat sportif d’actualité dans un journal spécialisé sans qu’il y ait de «captation injustifiée d’un flux économique résultant d’événements sportifs organisés par la FFR, constitutive d’une exploitation directe illicite».
Cette solution nous semble contestable et ne saurait constituer un précédent fiable pour déterminer la frontière de la validité de ce genre de communications. En l’espèce, l’objectif de l’entreprise était vraisemblablement de profiter de la notoriété et du prestige du Tournoi des Six nations pour faire la promotion de l’un de ses modèles de voiture. Autrement dit, il ne s’agissait pas d’une publication à des fins purement informatives, mais bien à des fins commerciales. En outre, cette communication pouvait légitimement laisser penser au public que le constructeur automobile était partenaire de l’évènement, ce qui n’était pas le cas.
Contours des pratiques litigieuses
Compte tenu de la jurisprudence récente ayant renforcé la portée du monopole d’exploitation des organisateurs d’évènements sportifs, notamment en matière de billetterie, la confirmation d’une telle solution apparaît pour le moins incertaine.
Afin d’esquisser les contours des pratiques litigieuses en la matière, les critères suivants pourraient servir de référentiel. La communication intervient-elle à des fins commerciales ? La communication évoque-t-elle, y compris de manière équivoque, un lien entre les produits et services d’une part et l’évènement ou ses actifs (marques...) d’autre part ? La communication capte-t-elle de manière injustifiée le flux économique résultant de l’évènement sportif organisé ? Le public est-il susceptible de croire que la communication s’inscrit dans le cadre d’un partenariat ?
Par conséquent, si toute forme de communication n’est pas interdite, la prudence reste de mise et le fait de s’immiscer dans le sillage d’un évènement sportif, en donnant l’impression au public d’en être partenaire officiel, est formellement interdit. Toute autre solution reviendrait à fragiliser le monopole d’exploitation accordé aux organisateurs d’évènements sportifs et l’équilibre économique qui y est associé.