Face au désinvestissement de nombreux salariés, les entreprises doivent savoir comprendre ce qui intéresse vraiment les salariés et l’intégrer pleinement à toute stratégie de communication interne.
Chefs d’entreprises, dirigeants, top management… Chacun le perçoit de plus en plus nettement : depuis que le travail a été stoppé net par la crise sanitaire, le retour à l’entreprise s’est fait cahin-caha, et le retour à «la normale» ne s’est pas véritablement opéré. Chacun observe différentes formes de retrait. De la démission à grand fracas au quiet-quitting plus silencieux et passif, en passant par un simple désenchantement, toutes les nuances sont possibles. Ces comportements croisent le plus souvent avec une envie de moins en moins forte de s’informer sur l’entreprise.
L’accumulation des plateformes, des canaux et la surabondance de mails incitent même les salariés à se désinformer. Un salarié sur dix seulement trouve qu’il est «gagnant» à s’investir dans son travail. Dans toutes les enquêtes internes que mène l’Institut Bona fidé, les collaborateurs nous parlent quasi-systématiquement silos, trop-plein d’infos, manque de ciblage et contenus peu adaptés à leurs attentes. Et avouent ne plus lire et entendre, ou en tout cas plus beaucoup, tout en déplorant en même temps de ne pas être assez considérés et entendus.
Faut-il en conclure que l’entreprise n’intéresse plus les premiers concernés ? Probablement pas. En revanche, comprendre et partir de ce qui intéresse vraiment les salariés est une pratique encore trop rare en entreprise. On le savait depuis longtemps : aucun dirigeant ne parvient à remplir sa mission sans une forte dose de convictions, de mobilisation, d’énergie et de sens donné à son action. On le sait désormais, les salariés sont dans la même situation et, surtout, osent le formuler, à un moment où l’amélioration du marché du travail inverse le rapport de force employeur/employé et redonne à certains une marge de négociation.
Changer de paradigme
Il faut donc changer de paradigme. L’information en entreprise a jusqu’à présent trop répondu à une seule logique d’émetteur, sans se soucier de l’évolution des perceptions, des représentations et des visions du monde du public interne. Il est temps de ne plus se contenter des seuls audits de contenus et d’usages des outils pour se poser les questions suivantes : à quoi s’intéressent les salariés ? Qu’est-ce qui compte vraiment pour eux ? Qu’est ce qui les touche ? L’impact environnemental de l’entreprise ? Sa politique d’égalité hommes-femmes ? Sa politique d’inclusion ? Sa logique de partage de la valeur ? Sa vision stratégique du futur ? Sa capacité à innover ? Son histoire et la mémoire de ses équipes ?
Il faut désormais s’adresser à des communautés d’intérêts, les rendre actives dans le process d’information qu’on leur destine, et repenser ainsi la stratégie de contenus qu’on leur adresse. Aucune stratégie de «considération» de l’interne ne tiendra dans les années qui viennent sans tenir compte de cette opinion interne qui émerge progressivement mais sûrement, comme il existe une opinion publique constituante de la société, et dont on se préoccupe en permanence.
Comprendre l’opinion interne, l’intégrer pleinement à toute stratégie de communication, recréer du collectif autour de communautés d’intérêts, prendre en charge les nouveaux enjeux «politiques» : voilà des pistes pour repenser une communication en entreprise féconde, recréatrice de liens et de sens. Cela passe sans doute aussi par la nécessité de repenser la place et le rôle du manager dans le processus d’écoute, de dialogue et de mise en mouvement. Tout particulièrement à un moment où le télétravail rend complexe la capacité de se réunir, et où l’entreprise est percutée et fragilisée dans son espace-temps.