Depuis quinze ans, le sport est utilisé par nos différents présidents comme le moyen d'apparaître comme des mecs sympas. Avec Emmanuel Macron, on change de dimension.
Après sa longue absence médiatique, le président a déclaré dans la presse sa volonté de « projeter le pays vers une fierté inédite » à l’occasion des évènements sportifs à venir : Coupe du monde de rugby et Jeux olympiques 2024. Emmanuel Macron assume que le principal axe de rassemblement de cette année soit le sport et mise sur son pouvoir unificateur. Le sport est devenu un terrain d’expression sans limite et apprécié du président pour servir son image.
La place du sport dans la communication politique française a évolué de manière drastique. Les Jeux olympiques de Paris de 1900 – parallèles à l’exposition universelle – et ceux de 1924, ouverts par le président Doumergue, bien que chargés de retombées positives, sont vus comme un gouffre financier. Un premier changement s’opère avec les Jeux d’hiver de Chamonix. La sphère politique locale profite de cet évènement pour servir le développement de leur territoire. En contractant un prêt de 800 000 francs justifié par l’organisation des Jeux, la commune de Chamonix investit dans ses infrastructures afin de concurrencer les stations de Saint-Moritz et Davos en Suisse.
À cette dimension de modernisation urbaine s’ajoute, au fil des ans, le concept de diplomatie sportive. Charles de Gaulle voit dans l'organisation des Jeux de Grenoble en 1968 un moyen d'accroître le prestige de la France ; c’est pourquoi il s’y rend pour la cérémonie d’ouverture. Ces rassemblements passent donc du désintérêt en termes de communication à levier pour le rayonnement de la France.
Pour autant, ces quinze dernières années constituent un véritable changement de paradigme dans lequel les présidents ont fait du foot un registre de choix pour apparaître comme des mecs sympas ou des rassembleurs. Loin de Jacques Chirac et ses difficultés à prononcer le nom des titulaires pour la finale de 1998, Nicolas Sarkozy se présente par exemple comme un fan invétéré du sulfureux PSG. L’Euro 2016 est un bon exemple de la manière dont le président s’est saisi de la ferveur sportive afin de rassembler les Français endeuillés par une vague d’attentats meurtriers.
Parenthèses enchantées
Avec Emmanuel Macron, on change de dimension. La régularité et la nature de la communication verbale et non verbale dépassent la simple spontanéité d’un président amateur de sport. Les exemples sont pléthores : déclarations d’amour à l’OM ; embrassades, coups de fils et proximité avec Kylian Mbappé ; tutoiement de Victor Wembanyama ; descente record d’une bière pour fêter la victoire de Toulouse en Top 14... Si Macron multiplie ces phases de communication active, c’est pour briser l’image de président arrogant qui lui colle à la peau, et capitaliser sur la sympathie ressentie par la population à l’occasion des triomphes français.
Cet activisme présidentiel est un moyen facile, peu coûteux et efficace pour tirer profit de l’actualité. Néanmoins, les Français ne sont pas dupes : la doctrine du pain et des jeux a ses limites. Même la Coupe du monde ne fait pas oublier les problèmes du quotidien, les divisions politiques et le pessimisme. Les Français prennent les événements sportifs pour ce qu’ils sont : des parenthèses enchantées qui n’effacent pas les problèmes, mais qui ne font que les suspendre ou les refouler. Et les réveils sont souvent difficiles.
Macron le sait plus que quiconque : à la suite de la victoire de 2018, l'exécutif s’enfonce dans l’affaire Benalla et la crise des Gilets jaunes ; après la défaite de 2022, le pays fait face à la séquence des retraites et à son lot de divisions. Pourvu que la Coupe du monde de rugby qui débute le 8 septembre et les Jeux olympiques de l’été prochain ne soient pas suivis par d’autres crises politiques et sociales.