Au-delà des enjeux éthiques, la question de la pertinence des suggestions de ChatGPT au sein d'un milieu où l’humain est central jette un doute sur la place qu’il peut occuper dans des process RH.

Oui, ChatGPT a un réel intérêt pour les services RH d’une entreprise. Du côté des candidats comme du côté du recruteur, ChatGPT peut respectivement aider à la création d’un CV à partir d’une fiche de poste et à sa sélection dans un process de recrutement. En somme, des tâches classiques avec des méthodes qui le sont moins. Pour autant, le simple fait d’envisager qu’une IA en open source puisse à elle seule sélectionner des profils de candidats pose débat. Quels sont ses biais ? Peuvent-ils accentuer une forme de discrimination ? Quel niveau de transparence peut-on attendre de ses algorithmes ? Ces quelques lacunes sont d’ores et déjà suffisantes pour remettre en question la légitimité de ChatGPT à prendre des décisions.

Dès lors, il serait plus judicieux de l’employer dans un rôle d’assistant, aidant à la prise de décision finale, laquelle reviendrait à un collaborateur d’un service RH. Bien entendu, cela n’effacerait en rien la problématique des biais, inhérents à ChatGPT, mais la présence d’un jugement humain permettrait d’atténuer ces effets tout en ajoutant de l’empathie, essentielle à cette activité. Dans un process de recrutement, le scanning des points les plus importants d’un CV par une IA pourrait être un véritable gain de temps pour un recruteur. Cela fonctionnerait donc sur le principe de suggestions permettant une meilleure prise de décision par un individu qualifié. Opter pour cette façon de procéder relève d’un choix philosophique important, celui de cantonner l’IA à un outil et non à une solution.

Une structure qui présente des limites

Au-delà des sujets relatifs aux biais, à la responsabilité des décisions et à leur transparence, l’usage de ChatGPT ne peut être dissocié de l’impératif de confidentialité des données, plus complexe à déployer avec une IA en open source. Les organisations doivent prendre des mesures adéquates pour protéger les données des employés et s’assurer qu’elles ne sont pas utilisées de manière abusive ou divulguées sans autorisation appropriée. Les professionnels du secteur doivent être conscients de ces enjeux d’autant plus lorsqu’ils manipulent des informations personnelles sensibles.

Autre point de vigilance : les limites techniques de ChatGPT. L’intelligence artificielle n’est pas parfaite, nous le savons. Les modèles de langage et plus spécifiquement les LLM (large language model) à l’image de ChatGPT inquiètent par la récurrence de leurs «hallucinations». Ce phénomène amène certaines IA à diffuser de fausses informations pourtant cohérentes dans un contexte prédéfini. Appliquées à un champ très précis, ces hallucinations peuvent créer d’importants écarts entre les informations réelles et celles données par l’IA. Qu’il s’agisse des ressources humaines ou d’un autre secteur, il faut non seulement avoir un regard critique sur ce qui est généré par l’IA mais surtout consolider en permanence son expertise pour repérer plus rapidement les erreurs.

L’IA propriétaire, une solution plus adaptée ?

Le principal inconvénient d’utiliser une IA généraliste dans un domaine qui exige une expertise métier est qu’elle ne donne justement pas de réponse pointue. ChatGPT n’est pas aussi personnalisable qu’on voudrait nous le faire penser même si son utilité par endroit n’est pas négligeable. L’intégration de l’IA à un produit n’étant pas anodine, ne faudrait-il pas penser la conception dudit produit et y adjoindre directement l’IA ? C’est précisément dans un contexte comme celui-ci qu’une intelligence artificielle propriétaire prend tout son sens.

Détenu par une entreprise, ce type d’IA est entraîné sur des ensembles de données et des algorithmes propres à l’entreprise. Personnalisable et adaptable à ses besoins, elle est conçue pour se spécialiser dans un domaine ou une application spécifique. Il n’est pas question ici de parler de solution miracle mais bien d’un meilleur usage de l’IA pour les entreprises qui en ont besoin. Néanmoins, une telle solution présente quelques inconvénients, à commencer par son coût de développement et de maintien bien supérieur à celui de ChatGPT. Sans oublier les compétences qu’elle mobilise en interne. Chaque entreprise doit donc examiner en détail ses besoins et ressources avant de s’engager dans une telle démarche. Pour l’heure, les avantages de ChatGPT par rapport à son coût suffiront à convaincre une majorité de petites et moyennes entreprises à l’utiliser.