Pour continuer à être audibles, les marques se doivent de réduire leurs prises de parole pour se concentrer sur l’essentiel, à savoir leur expertise.
« Infobésité » et « fatigue informationnelle » sont les nouveaux maux d’une société digitalisée. Ce syndrome du trop-plein toucherait 53 % de la population, selon l’ouvrage Quand l’info épuise, publié par la Fondation Jean Jaurès. Deux cibles sont particulièrement exposées : les jeunes urbains diplômés ainsi qu’un profil davantage féminin avec un niveau de vie plus modeste.
Comment en est-on arrivé à ce vacarme généralisé, à ce bruit permanent ? Cette surproduction d’informations s’explique d’abord par la démultiplication des acteurs. En plus des médias historiques, tout le monde s’improvise médias, des marques aux simples citoyens. Les réseaux sociaux amplifient cette tendance du tout info en continu en gommant toute hiérarchie entre infos réelles, utiles et fake news.
Dans ce contexte d’économie de l’attention en tension, il est important que les marques interrogent la légitimité de leurs prises de parole et la manière dont elles diffusent leurs messages sous peine de devenir inaudibles ou pire, accusées d’alimenter le grand moulin à paroles.
Rester fidèle à sa raison d’être et à son expertise
Si elle n’est pas sourcée, précise et rigoureuse, l’information perd le consommateur plus qu’elle ne l’éclaire. C’est vrai lorsque la marque opère un trop grand écart entre son propos et sa raison d’être, ou prend la parole au même moment que d’autres. Ce faisant, elle encourt un risque de banalisation de l’information voire s’expose à d’éventuelles accusations de purpose washing. C’est ainsi qu’on peut questionner la légitimité d’un Burger King ou d’un Nivea à s’exprimer sur le thème de la santé mentale.
Alors, pour asseoir leur légitimité, certaines marques se posent la question de la source des messages. Prenant le contrepied du courant du « tous influenceurs », qui est en passe de s’étioler, la marque de compléments alimentaires Seed a créé une Seed University pour que seuls les influenceurs formés par la marque aient le droit de prendre la parole sur un sujet aussi sérieux que la santé de chacun.
Revenir à la mission première d’un média : nourrir sa communauté
En restant dans leur domaine d’expertise et lorsqu’elles facilitent la circulation de l’information plus qu’elles n’en sont la source, les marques sont également plus audibles. Elles deviennent ainsi des diffuseurs d’information, définition même d’un média. C’est ainsi que le musée de la douleur, imaginé par la marque de protections féminines Nana, donne, à travers des témoignages anonymes, la parole aux femmes souffrant d’endométriose pour faire avancer la cause.
C’est aussi ce rôle de connecteur que remplit la Maison des Parents de Mustela, en donnant la parole aux experts de la question. Ces marques facilitent les échanges en créant des lieux de diffusion d’informations sans jouer elles-mêmes les expertes d’une information descendante parfois piégeuse.
Savoir « faire silence »
Plutôt que d’être dans un storytelling permanent, les marques doivent aussi contribuer à forger un esprit critique en améliorant l’état des connaissances. Et pour être entendu, rien de tel que de faire silence. Les marques de cosmétiques et le luxe en ont pris conscience. Par exemple, Bottega Veneta, après avoir disparu des réseaux sociaux en 2021 pour se focaliser sur un journal en ligne, a lancé en 2022 une application qui a pour vocation d'« initier à l’échange créatif ». Ce type d’initiatives tend à favoriser le sens et la qualité du contenu, plus que la quantité.
Il se produit dans l’information un mouvement parallèle à celui observé dans la consommation. Après une envolée exponentielle des contenus et des volumes, une forme de sobriété informationnelle permet de mieux être entendu et de faire passer plus efficacement des messages. L’information n’en sera que plus profonde, davantage audible et par conséquent plus monétisable.