Etienne Dorsay, Broute, NdFlex... A bien des égards, les réseaux sociaux offrent de petites soupapes à la vie de bureau.
« Top 3 de mes qualités professionnelles: 1/ la rigueur. 2/ ma passion pour les chiffres. » A l'image du savoureux compte Twitter animé par le personnage fictif d'Etienne Dorsay, les réseaux sociaux offrent de petites soupapes à la vie de bureau. Sous les traits de Jean Rochefort dont il emprunte le flegme et le personnage dans « Un éléphant, ça trompe énormément », le compte @E_Dorsay recense plus de 60 000 abonnés sur Twitter et plus de 100 000 sur Instagram.
S'y enchaînent les réflexions à l'humour british d'un personnage friand de céleri rémoulade et de biscottes, qui a du mal avec les photocopieuses, les agrafeuses ou le lundi. Un exemple parmi d'autres de ses « touits », aussi désuets que désopilants: « - Dites-moi, Ghislaine, vous regardez quoi comme série en ce moment ?. - Vos dossiers en retard monsieur Étienne »...
Derrière ce compte, créé en octobre 2019, se cache un cadre de 50 ans qui travaille dans un vrai "open space" d'un établissement bancaire en province. Très attaché à son anonymat, il explique à l'AFP avoir averti son employeur après quelques mois en « sous-marin ». Celui qui signe aussi une chronique dans l'Obs sous le pseudo de Gérald Arno reconnaît avoir une vision « assez acide du monde du travail ».
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« Ce qui m'effraie c'est qu'aujourd'hui, on fourmille d'outils sensés nous simplifier la vie mais qui en fait servent à en faire plus », avec « des tâches de plus en plus fragmentées », dit-il. Au final, « cela devient très difficile de donner un sens à son travail ». Du coup, « on est obligés de créer des artifices pour que les gens se sentent heureux au travail », avec des "chief happiness officers" (responsables du bonheur en entreprise), et autres opérations de +team building+ (activités de construction d'équipe). « Il n'y a rien qui va, en fait ».
Dans un autre style, mais tout aussi mordant, « Broute » qui parodie le média d'actualité « Brut », s'est souvent intéressé au monde du travail depuis sa création il y a quatre ans. Ses petites pastilles vidéo relayées sur Twitter par l'humoriste Bertrand Usclat, et diffusées sur Canal+, abordent par exemple de manière grinçante le quotidien d'un livreur de colis, l'automatisation des caisses au supermarché ou encore le sort des « navetteurs » qui font des allers-retours Paris/province...
« Mon regard sur le travail est critique, mais en même temps, je ne suis pas là pour le changer », dit à l'AFP le comédien de 35 ans. Ce qui l'amuse, dit-il, c'est de « dénoncer le dessous des postures ». Par exemple, le « flex-office » (locaux où les salariés n'ont pas un poste de travail fixe attribué, ndlr) paraît « sympa », mais il masque « une économie de coûts formidable ».
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Sur la thématique du travail, Bertrand Usclat veut s'intéresser, sous un autre format, au "team-building" et autres séminaires: des outils « à la fois gadget » et qui montrent des entreprises fonctionnant selon « une forme pacifiée de la guerre ». Autre option --sur Facebook cette fois--, avec le groupe « NdFlex » (Neurchi de flexibilisation du marché du travail). NdFlex compte quelque 170 000 membres et raconte les aventures de « Corenting le stagiaire et de son patron Fabieng dans la start-up nation », au travers de mèmes, photos, vidéos, etc.. Saupoudrés d'humour souvent absurde.
Paul Richard, 25 ans, a créé ce compte avec un ami il y a trois ans, lorsqu'il était en stage dans un cabinet de conseil et s'ennuyait ferme. « Le truc a explosé assez rapidement », avec aujourd'hui « 10 à 15 modérateurs », jeunes cadres dans différents secteurs, détaille-t-il. Depuis, le jeune homme a « réparé » son rapport au travail, en bifurquant vers un doctorat. Il se réjouit de transmettre « de temps en temps des messages politiques », en pointant l'absurdité du monde du travail. Même le réseau professionnel Linkedin n'est pas épargné avec des comptes parodiques. Celui de Clément Berut (19.000 abonnés) dit être en accord avec le travail limité à « 35h par jour pour les stagiaires ». Et suscite une flopée de commentaires outrés.