Avec Face à Baba sur C8, Cyril Hanouna secoue le format des émissions politiques, dérange, mais les audiences répondent présentes.
Cette campagne présidentielle est pleine de surprises. D’abord parce que des actualités fortes impactent l’opinion et rendent complexe la tenue d’un vrai débat de fond : la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. Ensuite parce que la multiplication des candidats, de droite comme de gauche, ou plutôt d’extrême droite comme de gauche, finit d’achever l’histoire du bipartisme, dont la mort avait été annoncée par Emmanuel Macron dès 2017.
Nous sommes le 16 mars, 21h15 : Marine Le Pen est sur C8 face à Cyril Hanouna, dit Baba. Douche froide. Tétanisé, mon pouce ne bouge plus de la zappette. C’est bien elle. C’est bien chez lui. L’émission démarre sur le même rythme qu’un combat de boxe : une musique entraînante, une équipe de chroniqueurs qui monte sur «le ring» derrière le présentateur star, en costume trois pièces pour l’occasion. Lui à qui on riait au nez il y a cinq ans quand il disait que la prochaine fois les débats se tiendraient sur son plateau : il l’a fait.
Brisons le mystère tout de suite : c’était bien. C’etait très bien même. 3h32 d’échanges, sans la moindre coupure pub : le service public n’a qu’a bien se tenir ! L’émission propose un rythme inédit qui alterne entre confessions sur la fatigue physique de la candidate, qui donne tout pour sa campagne, et débat de fond sur la compatibilité de l’islam et de la République face à Jean Messiah, qui joue le Z. On y parle également de sujets plus sérieux, comme de l’indépendance énergétique face à Yannick Jadot, lui aussi candidat. Même Marlène Schiappa est de la partie pour porter les couleurs du gouvernement.
La star, c'est lui
Si d’habitude la pression est perceptible chez les journalistes qui savent que la tenue des temps de parole sera une tâche complexe face à ces grands orateurs, chez Baba, c’est Marine Le Pen qui est intimidée. Cyril Hanouna : «C’est la première fois qu’on se rencontre ! Alors ça vous fait quoi ?» Le cadre est posé. La star, c’est lui. Le plateau, c’est le sien, le public aussi. C’est le jour et la nuit par rapport au débat du 23 septembre dernier entre Eric Zemmour et Jean Luc Mélenchon sur BFMTV, où deux animateurs, pourtant aguerris, avaient peiné à imposer leurs thématiques…
Karine Le Marchand avait fait une incursion dans l’entertainment politique avec son émission confession Ambition Intime sur M6. Chez Cyril Hanouna, nous sommes bien dans un débat politique. Pas question de tergiverser sur les chats de Marine Le Pen, on en parle pour agiter les réseaux sociaux, c’est assumé, mais on retourne vite aux vrais sujets.
Difficile de prendre position sur ce nouveau format mais l’audience (1,42 million de téléspectateurs) met tout le mode d’accord. Le citoyen est devenu son propre directeur des programmes, zappant entre Netflix, YouTube et les replays, en passant par Brut ou Konbini. Il s’impose même ses propres coupures pub aux côtés de ses influenceurs préférés.
Une complaisance dérangeante
Le journalisme, son éthique, sa retenue et sa nécessité de confronter les versions ne sont pas de la partie ici. Le show tombe souvent dans une complaisance dérangeante, mais c'est pourtant impossible de nier que l’on parle vrai. Loin des combats de coques, Cyril Hanouna pose, en des termes simples, les questions que se posent vraiment les Français, celles dont on discute autour d’un café ou d’un verre avec ses amis. Les réponses sont pertinentes, les invités aussi, le débat a du corps.
Alors que les taux d’abstention annoncés frôlent des records, que les débats télévisés sont boudés par les auditeurs, on ne peut pas retirer à Cyril Hanouna qu’il sait intéresser les Français. Pourtant, Baba n’a rien inventé. Les politiques eux-mêmes ont décidé de jouer ce jeu en remplaçant Twitter par TikTok dans leur dispositif de campagne. Plus de 365 000 abonnés pour mlp.officel et 4,2 millions de vues sur son dernier TikTok : nous nous approchons dangereusement des 5,17 millions de téléspectateurs du JT de France 2. Les cartes sont rebattues.
L’exercice est réussi bien qu’il fasse peur aux candidats. Valérie Pecresse n’a pour le moment pas donné suite à l’invitation de Cyril Hanouna. Yannick Jadot, présent en tant que contradicteur, s’est vu rappelé qu’il était attendu de l’autre côté du plateau. Malaise dans la salle… Cyril Hanouna dérange mais son talent l’impose. Reste à savoir s’il en restera là ou si la «babaisation» ira encore plus loin en 2027, comme l’a prophétisé le communicant Philippe Moreau Chevrolet dans sa bande dessinée qui présente Baba derrière le bureau de l’Elysée.