Le comité de pilotage des Etats généraux de l'information (EGI) vient de livrer ses recommandations. Il propose notamment de réguler financièrement le pouvoir d'attraction des plateformes.
Les deux tiers des recettes publicitaires dirigés vers les acteurs du numérique en 2030, contre la moitié aujourd'hui : c'est la réalité que pointait l'Arcom en janvier dernier dans une étude PMP Strategy. Pour faire face à cette hémorragie de revenus (-800 millions d'euros au détriment des producteurs de contenus), les Etats généraux de l'information se sont penchés sur des solutions. Pour réorienter ces revenus de la publicité captés par le numérique, le groupe sur « l'avenir des médias d'information et du journalisme », présidé par Christopher Baldelli, PDG de Public Sénat, met dans la balance l'apport démocratique de medias d'information qui voient leur ressource principale « menacée ».
L'une des préconisations passe donc par l'exemplarité des entreprises qui doivent indiquer avec transparence, Etat compris, où elles allouent leurs budgets publicitaires. Une démarche qui pourrait être volontaire et marquer le soutien à une information de qualité en faveur de la démocratie, dans une approche très RSE. Pascal Ruffenach, PDG de Bayard et président du groupe « Citoyenneté, information et démocratie » évoque des incitations fiscales ou des labels de responsabilité qui favoriseraient les investissements vers des médias d'information. Céline Calvez, députée REN des Hauts-de-Seine, imagine déjà un index sur le modèle de l'égalité femmes/hommes prévoyant des bonus, voire des malus. « La puissance publique a intérêt à ce que les entreprises privées soit contributrices sans être ordonnatrices, qu'elles mettent au pot sans flécher leurs investissements vers tel ou tel média », dit-elle. Un statut de société à mission d'information pourrait être l'opportunité d'une refonte des aides à la presse.
Mais le rééquilibrage en faveur de l'info est avant tout une affaire d'algorithme. C'est d'ailleurs ce qui a poussé Thibault Bruttin, directeur général de RSF, à parler à propos des EGI de « socle solide pour construire l’avenir du journalisme en France », même s'il regrette des « impasses » ou des « frilosités », en particulier sur le droit d'agrément des directeurs par leur rédaction, sacrifié sur l'autel de la liberté d'entreprendre. Mais RSF soutient des propositions permettant de lutter contre la désinformation parce qu'elles vont dans le sens d'un « pluralisme des algorithmes » et en même temps d'une certification comme d'une promotion d'une information fiable sur les plateformes, dans la droite ligne de la Journalism Trust Initiative chère à Christophe Deloire. Aux annonceurs et à leurs agences d'orienter leurs investissements en fonction d'un tel label.
De même, le rapport préconise une « contribution obligatoire sur la publicité digitale » qui viendrait se substituer à la taxe sur les services numériques (3% du CA numérique en France), une fois remplacée par le prélèvement international discuté dans le cadre de l'OCDE. Une nouvelle taxe sur les Gafam - l'actuelle rapporte 800 millions d'euros - viendrait soutenir le modèle des médias traditionnels par la redistribution des revenus publicitaires. Enfin, il est recommandé de mettre fin à une intermédiation publicitaire en ligne à leur profit des grandes plateformes (Google, Meta), via l'ouverture à la concurrence des adtech, comme le prévoit le DMA. Bruno Patino, président des EGI, appelle à un droit de suite auprès des pouvoirs publics.