Olivier Babeau, président-fondateur de l’Institut Sapiens, professeur de sciences de gestion à l’Université de Bordeaux et chroniqueur économique à Europe 1, revient sur les grandes actualités de la semaine.
La nomination d’un nouveau Premier ministre et une majorité introuvable à l’Assemblée.
La situation de blocage est inédite. Je prévois depuis le soir du 7 juillet qu’elle sera durable. Tout le monde a perdu ces élections. L’émiettement et l’équilibre des forces, les incompatibilités respectives font qu’on ne voit pas comment une coalition durable peut se former. C’est vrai pour l’accord sur les personnes, mais plus encore sur le programme. Si on fait l’exercice de reprendre les grandes orientations et les propositions concrètes des trois grands blocs, on s’aperçoit qu’il n’y a aucun dénominateur commun. Ce sont des visions orthogonales qui s’affrontent sur l’immigration, la politique extérieure, la politique de l’offre, la fiscalité, etc. Toutes les conditions sont réunies pour qu’il ne se passe pas grand-chose d’ici à une prochaine élection qui rebattrait les cartes.
Les difficultés à bâtir le budget 2025 alors que le déficit de la France s’avère plus élevé que prévu.
Le blocage actuel est d’autant plus dramatique que l’urgence de réformes profondes ne s’était jamais autant fait sentir. C’est vrai pour les enjeux de long terme qui conditionnent la soutenabilité de notre dette comme la formation, la compétitivité ou la réindustrialisation. Mais c’est vrai aussi pour des enjeux de très court terme : nous sommes au pied d’un redoutable mur budgétaire. Le levier fiscal a déjà été largement utilisé et il n’est plus possible de mettre la poussière sous le tapis en laissant filer le déficit. La dette nous coûte de plus en plus cher. Il va falloir baisser les dépenses. Seulement voilà : en France, on n’a jamais su faire.
Les Jeux paralympiques et leur aptitude à changer le regard sur le handicap en France.
C’est une vitrine formidable pour sensibiliser les Français à tous les handicaps. Aborder ces derniers sous l’angle de la performance et des capacités extraordinaires de ces athlètes permet certainement de changer notre regard. On peut souhaiter évidemment qu’il ne s’agisse pas que d’un coup de projecteur ponctuel et qu’il fasse plus largement progresser la cause de l’inclusion des handicaps dans la société.
La rentrée télé avec le retour de Cyril Hanouna sur C8.
Une émission qui obtient un tel succès d’audience traduit quelque chose d’une envie populaire qu’il serait dangereux de vouloir mettre sous le boisseau. Cela créerait des frustrations et des radicalisations dont on mesure trop les conséquences. Le fait que les gens plébiscitent certains discours sur le monde doit être entendu. Il n’y aurait rien de pire que de donner l’impression de délégitimer l'émission par des manœuvres institutionnelles. Je crois que la liberté d’expression doit être défendue, surtout pour les avis et modes d’expression avec lesquels on n’est pas d’accord. Je suis très inquiet d’une tendance grandissante à considérer, au nom d’une hypersensibilité croissante qui nous fait assimiler un désaccord à une agression, à vouloir censurer les discours non conformes. Par ailleurs, je ne crois pas que le pluralisme soit menacé si l’on regarde l’ensemble des canaux et des expressions du paysage audiovisuel.
L’arrestation et la mise en examen de Pavel Dourov, le patron de Telegram.
Il n’est évidemment pas admissible qu’un outil puisse servir à faciliter des trafics illégaux et différentes formes de banditisme. Toutes les possibilités de contrôle doivent être données aux autorités. Mais je suis aussi sensible à la nécessité de résister à la tentation de vouloir trop surveiller et sanctionner les échanges sur internet. Par exemple, l’idée pourtant bonne dans son principe, d’éviter les « discours haineux » peut se traduire, le flou de la notion aidant, par une préoccupante régression de la liberté d’expression. Il ne faut interdire qu’avec une très grande parcimonie.